Je me lève ce matin pour aller couvrir les événements de la journée du Grand-Prix.
Une journée normale, somme toute, car depuis bientôt 3 ou 4 mois je couvre de nombreux événements afin de tenir informer les membres de mon département, mes amis, collègues, la famille et de plus en plus de nouveaux adeptes de mes photos et vidéos reportages rencontrés à gauche à droite (surtout à gauche). Ayant lu l'article du Devoir sur le profilage politique du SPVM, je décide de m'habiller sobrement, sans sac à dos ni carré rouge, afin d'éviter d'être profilé par la police.
Bref, je pars vers le métro Mont-Royal où 2 policiers gardent l'entrée principale.
Après être descendu et avoir acheté une passe pour la journée, je vais sur le quai où je ne vois aucune présence policière.
Ayant eu vent d'un rassemblement pacifique exprimant son désaccord face à l'événement du Grand-Prix autour de 10h30, mon instinct me dit de prendre le temps d'arriver sur le quai de la ligne jaune, vu qu'il y aura certainement une gestion de la circulation vu l'achalandage.
Arrivé à Berri-UQAM à la bonne heure, je constate effectivement qu'il y a des policiers partout, ainsi que des tas de gens questionnés, voire arrêtés, pour avoir arboré le carré rouge, avoir porté un sac à dos, et que sais-je encore!
Je me retrouve enfin sur le quai de la ligne jaune, la police demande aux gens de circuler, de prendre le train, etc. Impossible d'imaginer que quelque action autre qu'une revendication pacifique d'une opposition au Grand-Prix soit possible. 10h30 arrive, je monte dans le train et je croise des amies curieuses de prendre le pouls de la situation sur l'île Sainte-Hélène et d'aller y faire un pique-nique et puis, possiblement, un tour au Piknik Électronik.
Nous descendons donc à la station suivante et prenons le chemin de la sortie du métro. Des lignes de policiers se trouvent derrière les tourniquets, devant, à l'extérieur, partout!
Nous partons marcher vers le pont où se trouvent une des entrées du Grand-Prix en croisant plusieurs revendeurs louches de billets que la police semble ignorer.
Une fois arrivés au pont et voyant qu'ils s'agit là d'une vérification de billet, nous rebroussons notre chemin et allons vers le site du Piknik.
Le site est pour l'instant vide et nous retournons vers le métro.
En arrivant, une douzaine de personnes se trouvent entourées par les policiers près d'un arbre.
Nous nous dirigeons alors vers la Ronde afin de trouver un site propice à un pique-nique.
Sur le bord de la rive nous pouvons voir les gradins de la F1 sur l'autre île.
Ne voulant pas nous rendre jusqu'à la ronde, plutôt loin, nous faisons à nouveau demi-tour et trouvons un site pour nous asseoir, et manger un peu, près de la biosphère.
De là nous remarquons que plusieurs policiers se trouvent dans l'herbe et entourent des gens, tous menottés, et fouillent leurs sacs.
Je prends quelques photos, chose tout à fait légale dans un lieu public qu'est l'île Sainte-Hélène, tout en mangeant des cerises et des noix.
Un homme habillé en civil vient me voir et me dit en gros:
"Je t'ai vu me prendre en photo, si jamais je les vois quelque part, j'ai des avocats!"
Bien que je ne l'aie même pas pris en photos, je réponds que "C'est bon", voulant éviter le conflit inutile vu l'ambiance de peur créée par le SPVM.
Ce dernier part s'accoter sur la voiture de police, près du bus de la STM où ils embarquent les gens, pour passer un appel.
Cela me fait penser qu'il a un rôle bien étrange dans toute cette opération malgré ses habits de civil.
Je décide alors d'échanger la carte-mémoire de ma caméra car le Devoir mentionne que des policiers ont effacé des photos, chose illégale pour un policier car il s'agit de détruire des éléments de preuve potentiels.
C'est alors que je décide de retourner vers le métro car je n'aime pas trop l'ambiance et, tout à coup, je me retrouve avec une amie entouré par 3 policiers en vélo. Expliquant que nous aurions été vus alors que je prenais des photos des arrestations, chose que je rappelle être complètement légale!
Ils nous demandent nos papiers.
Voyant bien qu'ils se foutent complètement de leur code de déontologie depuis le début de la F1 (selon les tests effectués par le Devoir la veille et ce que l'on observe depuis un certain temps), que si je me mettais à revendiquer mes droits je n'aurais pas gain de cause et que je finirais la journée dans une cellule comme c'est arrivé à une autre amie!
Je décide donc de me mettre à leur niveau et de jouer à l'ignorant dans le but de sauver les photos avant tout...
Je leur donne donc une pièce d'identité. Ils la prennent en note, tout comme celle de mon amie, et nous demandent ce que nous faisons là. Expliquant que nous mangions avant d'aller au piknik, ils nous disent qu'il ne peuvent nous garantir que nous n'allons pas être contrôlés de nouveau et, qu'après 3 avertissements, nous serions expulsés du "site".
L'un d'eux nous dit donc de tenter de nous rendre vers le piknik et que, en cas de contrôles subséquents, nous devrions expliquer ce qui vient de nous arriver et tenter le plus possible de rester sur le site du piknik. Je quitte ces trois policiers dont notre interlocuteur s'est présenté sous le nom de L-P.
Je demande à une amie n'ayant pas été contrôlée de prendre ma carte mémoire au cas où.
Voyez-vous le climat de paranoïa auquel nous pousse le SPVM?
Est-ce normal que la police de Montréal abuse ainsi pour un événement aux valeurs si rétrogrades que pourtant notre société tolère, elle?
Je tiens à rappeler que jamais nous n'avons tenté de franchir une barrière pour aller sur le site de la F1, que nous étions encore sur la section "libre/publique" de l'île et que nous n'avons commis aucun geste répréhensible autre que de manger des cerises et de prendre des photos étant assis à une table de pique-nique.
Bref, nous revoilà près du métro et décidons que la situation est beaucoup trop intimidante pour rester, mais qu'avant de partir nous souhaitons passer aux toilettes et remplir nos bouteilles d'eau.
Pour nous y rendre, nous nous faisons à nouveau interroger par un policier qui souhaite voir nos billets pour la F1. À nouveau, nous expliquons que nous sommes venus pour le Piknik.
Le policier confus rétorque à son collègue que "Tu vois, je te l'avais dit que c'était de la marde cette affaire là!", signifiant que pour eux, les deux îles appartenaient à la F1, à ses fans et bref, personne d'autres, malgré la présence de nombreux autres événements et activités (La Ronde, PikNik, sites historiques, expositions, ...)
Finalement nous quittons vers le métro, où nous avons revu plusieurs cas d'abus et de questionnements abusifs de personnes sur l'autre quai et le nôtre.
Une fois à Berri je prends la ligne orange vers le nord et je sors à Sherbrooke pour aller voir le tour de l'île en rouge partir du parc Lafontaine.
C'est seulement en sortant du métro Sherbrooke, en m’asseyant sur un banc et en relâchant un gros soupir que j'ai enfin senti que j'avais retrouvé un peu de ma liberté, de ma dignité...
Par ce récit, et comme des centaines d'autres personnes, je dénonce le profilage politique et plus largement les abus de pouvoir dont fait preuve le SPVM depuis l'adoption de la loi matraque, qui témoignent d'un glissement affirmé et dangereux d'un État de droit vers un État policier.
La diversité de notre société, qui en fait sa beauté, est écartée au profit d'événements vus comme rentables en laissant de côté toute la richesse humaine des citoyens sur laquelle elle repose et dépend.
Il aurait été si simple de contrôler le site de la F1, comme le fait la Ronde ou le PikNik, et de laisser le reste de Montréal libre.
Il aurait été si facile de respecter le code de déontologie policière et de ne pas abuser de la situation et de la méconnaissance des lois pour aborder les citoyens sans raisons voulant profiter d'un des plus beaux parcs que la ville ait à offrir.
Bref, il aurait été si simple de respecter la loi et de donner l'exemple, rôle qu'entretient classiquement la police dans nos sociétés au lieu d'encourager la dégradation des relations entre honnêtes citoyens et policiers.
"Le SPVM, une équipe engagée"?
Par qui?
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