Un droit à la paix
Depuis quelques jours, le Nouveau Parti démocratique et le Parti Libéral du Canada par la voix de leur chef respectif ne cesse de promouvoir l’initiative du Dr Izzeldin Abuelaish et sa campagne Heal100Kids tout en occultant le coeur du problème du conflit israélo-palestinien, soit l’occupation illégale de la Palestine par l’État d’apartheid d’Israël. Face une opération militaire dite de « défense » qui a fait à ce jour environs 1 867 morts et 9 563 blessés du côté palestinien et 67 morts du côté israélien, notre devoir n’est pas seulement d’aider les enfants de Palestine, mais aussi de faire en sorte que ces derniers n’aient pas à revivre ce cauchemar.
Il importe avant tout de demeurer critique face à tant d’enthousiasme de la part du NPD et du PLC pour la campagne Heal100Kids. L’aide proposée par le Dr Abuelaish est certainement la bienvenue étant donnée l’engorgement des hôpitaux, le manque de vivres et de personnel médical à Gaza, mais elle comporte de sérieuses lacunes.
Premièrement, il convient de se rappeler que parmi les blessés plus de deux milles sont des enfants. Jusqu’à aujourd’hui, aucune mention n’a été faite sur comment seront sélectionnés les enfants qui devront faire un voyage entre Gaza et le Canada, si ce n’est que le fait que ces derniers devront être dans une « condition critique ».
D’autre part, cette campagne ne fait nullement mention du fait que la bande de Gaza est une gigantesque prison à ciel ouvert pour près de deux millions de Palestiniens et que c’est la puissance occupante (Israël) qui contrôle tous les points d’entrée et de sortie. Considérant le peu voire l’absence de réactions de Tel Aviv face aux condamnations de la communauté internationale et, en commençant par plusieurs hauts dirigeants des Nations unies, Heal100Kids ne se fera pas sans l’aval de l’État israélien. Nous avons là justement la logique colonialiste régissant les relations entre Israël et la population palestinienne. Admettant un accord entre le Canada et Israël pour le transfert de blessés graves vers les hôpitaux canadiens, la prudence est de mise. En effet, l’État israélien ne reconnaît pas un droit de retour aux cinq millions de réfugiés palestiniens. Au contraire, le déplacement de la population palestinienne est un des objectifs des opérations militaires israéliennes en Palestine. Dès lors, qu’arrivera-t-il à ces 100 enfants s’ils ne peuvent retourner chez eux ? Où iront-ils ? Dans ce cas, encore une fois, ce sera à Tel Aviv — et à Tel Aviv seul — de décider, non aux enfants et à leurs proches.
C’est justement ce point, c’est-à-dire un système ségrégationniste destiné à créer des citoyens de première et de seconde classe en Palestine et en Israël ainsi qu’une occupation territoriale illégale en vertu du droit international, que les deux partis d’opposition évitent le plus possible de critiquer. En vertu d’un droit à la sécurité, l’État israélien ne cesse, année après année, de poursuivre son expansion en territoire palestinien grâce à la complicité et à l’inaction des puissances occidentales, le Canada en tête. Tout en affirmant vouloir aider les enfants palestiniens victimes des attaques du Tsahal, les partis d’opposition ne disent pas un mot sur le fait que nombre de ces enfants n’ont connu que conflit armée après conflit armée depuis leur naissance et que beaucoup ont perdu un ou des proches dans une des opérations israéliennes dans la bande de Gaza. À l’instar du gouvernement Harper, ils soutiennent aveuglement Israël dans son « droit à la sécurité ». Un droit qui, justement, est la cause véritable de l’état dans lequel se trouve ces enfants.
Passer du court terme au long terme
Ce qu’il convient de souligner à ce sujet, c’est ce qu’affirmait assez bien l’ancien premier ministre français, Dominique de Villepin, dans Le Figaro : « il n'y a pas en droit international de droit à la sécurité qui implique en retour un droit à l'occupation et encore moins un droit au massacre. Il y a un droit à la paix qui est le même pour tous les peuples. La sécurité telle que la recherche aujourd'hui Israël se fait contre la paix et contre le peuple palestinien. » Cette paix ne se sera pas possible tant et aussi longtemps qu’Israël continuera à détruire maisons, mosquées, universités, écoles, centrales électriques, en bref, à ne pas reconnaître aux Palestiniens leur droit à une vie dans la dignité humaine. En sauvant 100 enfants, notre devoir est de leur offrir un milieu de vie adéquat pour leur développement physique et psychologique et non pas de les renvoyer dans la prison qu’est Gaza.
Nous ne devons non seulement penser à une aide d’urgence, mais aussi à ce qui adviendra par la suite, après les bombes, après les massacres. Ceci passe nécessairement par suivre le pas des pays d’Amérique latine qui ont vertement condamné l’opération « Bordure protectrice ». Ceci également passe par un important support envers la campagne palestinienne de Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre l’État d’apartheid d’Israël. Ceci passe aussi par presser le gouvernement canadien et les partis d’opposition de faire en sorte que le Canada, ses entreprises et ses universités cessent toute coopération actuelle et future dans l’armement d’Israël. Ceci passe par un appui à une résolution du conflit basé sur les normes internationales et le respect mutuel. Ceci passe finalement par reconnaître qu’un état ou une organisation, peu importe ses motivations, ne peut rester impuni lorsqu’il s’agit de crimes de guerre. Cessons l’impunité, cessons les massacres.
Rémy-Paulin Twahirwa (@remypaulint)
Événement :
Projection au Café Touski du documentaire ROADMAP TO APARTHEID.