2 mai 2012 à Québec - Media reseauforum.org
Depuis maintenant une semaine, le mouvement étudiant à Québec manifeste tous les jours. Ce sont désormais des manifestations dites nocturnes, vers 20 h où il y a peu de trafic et bien des gens à la maison.
Considérant l'impasse politique et ce qui ressemble à un début de conflit social, nous avons demandé à cinq personnes, participant à cette manifestation, quelle orientation le mouvement étudiant devrait-il adopter.
Ce mercredi 2 mai, nous estimons que 350 personnes se sont jointes à cette marche nocturne contre la hausse des frais de scolarité. La foule s'est réunie à l'Assemblée Nationale pour ensuite marcher un long trajet passant par René-Lévesque, la Grande Allée, traversant un quartier de Sillery, pour finalement revenir à l'Assemblée nationale. Tout le long du trajet, des gens sortaient sur leur balcon pour saluer cette bruyante marche.
Il y avait diverses craintes exprimées sur Facebook selon lesquelles la police risquait de mal réagir au fait que le trajet n'était pas fixé clairement à l'avance. La marche s'est déroulée comme un charme : la police a escorté la manifestation sans la moindre friction.
Parmi les slogans chantés avec le plus de vigueur cette semaine, il y a sans contredit « Charest dehors, on va te trouver une job dans le Nord » ainsi que « Crions plus fort, pour que personne ne nous ignore ». Ce soir nous avons entendu un nouveau slogan intéressant à rapporter : « Une manif chaque soir jusqu'à la victoire ».
Quelle orientation pour le mouvement ? - Interviews (Vox Pox)
Deux options ou stratégies se dessinent dans le mouvement. Une souhaite un large débat de société, menant à une « négociation sociale », c'est-à-dire à un compromis acceptable pour la majorité du Québec. L'autre prône plutôt une lutte sociale plus intensive demandant que l'accès aux études soit gratuit. Nous en avons profité pour demander à cinq personnes, participant à cette manifestation, laquelle de ces deux orientations leur semble préférable. Nous leur avons aussi demandé si elles croient qu'il faudrait plutôt négocier avec un nouveau gouvernement.
Un jeune homme étudiant :
Il explique « qu'avec toutes les dépenses excessives et les contrats mal choisis », « sans compter que certains sont payés grassement », « le gouvernement nous prend pour des crétins quand il nous demande de payer plus ». « Payer plus pour quoi, je veux dire où va notre argent ? Le gouvernement paie les intérêts des dettes pendant les études et, au final, il y a seulement les banques qui bénéficient de ces dettes. On nous demande de payer notre juste part, mais les banques ne paient pas leur juste part. » En réponse à notre question, le jeune homme se positionne clairement pour la gratuité scolaire, mais ajoute qu'il faut nécessairement un nouveau gouvernement.
Une jeune femme étudiante :
« En fait, il faut chercher à maintenir notre mouvement de masse pour avoir l'impact qu'on recherche. Donc, je trouve un peu dommage que certains se battent pour la gratuité alors que d'autres se battent contre la hausse. On doit vraiment trouver une ligne ensemble. Personnellement, je lutte pour la gratuité scolaire et ce n'est pas une utopie contrairement à ce que les médias semblent dire.»
Pour la question de négocier avec le gouvernement actuel, elle estime que ce n'est pas réaliste, car « quand le gouvernement dit vouloir négocier avec nous, c'est juste pour se donner une bonne image auprès de la population ». Elle craint que ce ne sera pas possible de négocier même avec le prochain gouvernement.
Un homme (trentaine avancée) non étudiant :
« Sans rapport de forces, il n'y a pas de négociation possible. Sans rapport de forces, la lutte sociale reste seulement des voeux pieux.» Le monsieur se positionne très clairement pour un mouvement visant la gratuité scolaire. Pour la deuxième question, il estime que négocier avec le gouvernement actuel soit impossible. Il se réjouit toutefois de ce qu'il appelle « un débat de société sur la rue ».
Jeune femme (probablement étudiante) :
« Moi, personnellement, je crois que le mouvement devrait prendre une tangente plus de mouvement social pour la gratuité scolaire, parce que pour moi l'éducation est quelque chose de primordial pour une société ; c'est avec cela qu'une société évolue. La gratuité scolaire est très faisable.»
Sur la négociation avec le gouvernement actuel, elle ajoute « En ce moment, le gouvernement s'en fout de ce que nous pensons, parce que pour lui nous ne représentons que 32 % des votes ». Elle propose donc que les mouvements étudiants négocient plutôt avec les autres partis.
Autre homme (trentaine avancée) non étudiant :
Il s'agit d'un résidant près du boulevard René-Lévesque qui a rejoint la marche lorsqu'il a entendu crier « Avec nous dans la rue ». Il est résolument pour la gratuité scolaire et ne croit pas que le mouvement devrait négocier un compromis pratique. Peu importe quel parti forme le gouvernement, présent ou futur, il souhaite un mouvement social exigeant clairement la gratuité.
Ce sont là les propos des cinq personnes avec qui nous avons réussi à parler à travers les rythmes des tambours et les slogans de la foule énergique.
- Michaël Lessard
« Rapporteur » indépendant - Media reseauforum.org
Pour l'honnêteté d'abord et avant tout, car la neutralité est un mensonge.