Aujourd’hui nous sommes le 16 décembre 2012 et la Chef Theresa Spence fait une grève de la faim depuis six jours.
Contrairement à ce que certains médias rapportent, celle-ci ne fait pas une grève de la faim seulement pour protester contre le projet de loi C-45 ou même pour protester contre le traitement déplorable que sa communauté a reçu depuis qu’elle a déclaré un état d’urgence l’an dernier. Elle s’est jurée de continuer sa grève de la faim jusqu’à ce que le premier ministre, la Reine ou un-e représentant-e accepte de rencontrer de bonne foi les leaders des Premières Nations afin de reconstruire ce qui est devenue une relation abusive. Elle demeure dans un tipi sur l’Île Victoria qui se trouve tout près du Parlement et de la Cour suprême du Canada.
Plusieurs autochtones d’un peu partout au pays ont jeûné afin de démontrer leur solidarité avec la Chef Spence, notamment le Chef national Dene Bill Erasmus. Il suffit de chercher le hashtag twitter #TheresaSpence pour avoir une idée de l’importance de l’appui que reçoit cette femme de la part de nos peuples.
L’Assemblée des chefs du Manitoba a émis un communiqué appelant à une large convergence vers Ottawa afin d’appuyer la Chef Spence et de demander à ce que des actions soient prises maintenant afin d’agir quant aux préoccupations autochtones ignorées depuis trop longtemps.
« Le Gouvernement du Canada n’a pas maintenu ou rempli ses responsabilités envers les Premières Nations, tel que la Couronne s’était engagée à la faire lors de la Rencontre de la Couronne et des Premières Nations de janvier 2012. Le Canada n’a pas maintenu l’honneur de la Couronne dans ses relations avec les Premières Nations, tel qu’il apparaît clairement dans la relation de financement inadéquate et inéquitable avec nos Nations et ses actions actuelles favorables à des changements législatifs et politiques qui auront un impact direct sur les droits inhérents et de traités des Premières Nations. Les traités sont par nature internationaux et les droits autochtones sont des droits humains, tant collectifs qu’individuels et doivent être honorés et respectés. »
Le movement Idle No More (qui signifie « Plus engourdi » ou « C’est fini le repos ») a été le théâtre d’actions se produisant partout au pays en appui à la Chef Spence et en appui à son message à l’effet que les relations entre les peuples autochtones et la Couronne ont besoin de sérieuses améliorations, et ce maintenant. Ce ne sont pas toutes ces actions qui sont couvertes par les médias donc si vous voulez en savoir davantage sur ce qui se passe, ça vaut la peine de suivre le hashtag #idlenomore sur twitter. Les gens manifestent pacifiquement et légalement en bloquant des routes de même qu’en organisant des « teach-ins » De nombreuses autres actions sont planifiées.
On ne s’en ira pas. Ces enjeux ne s’en iront pas. Cher Canada, c’est le temps. C’est à cette génération à réparer cette relation.
Nous savons tous et toutes que lire la section des commentaires des médias peut être dangereux pour notre santé mentale mais certains thèmes reviennent constamment à chaque fois que l’on traite des Autochtones dans les médias. Nous devons aborder ces croyances. J’ai fait de mon mieux sur mon blog pour réfuter les mythes et stéréotypes, mais je n’ai pas tout le temps libre que je souhaiterais donc ma liste de « myth-busting » demeure incomplète.
Je sollicite néanmoins l’aide des Canadien-ne-s pour combattre ces horribles mensonges. Je fais cet appel car ces mensonges permettent à des gens comme Stephen Harper d’ignorer une grève de la faim. Ces mensonges permettent aux gens d’affirmer que les Autochtones sont des pleurnicheurs et des profiteurs qui doivent se la fermer et s’en aller. Ces mensonges permettent à une nation d’ignorer sa propre histoire, d’effacer sa propre volonté, de croire que quelqu’un d’autre va régler ce problème.
Les politiciens ne seront pas ceux et celles qui régleront ce qui cloche dans la relation entre le Canada et les peuples autochtones. C’est une job pour le monde ordinaire, de traiter les uns les autres comme des êtres humains et jusqu’à maintenant les peuples autochtones de ce pays ne sont pas traités de manière humaine.
J’ai donc compilé une liste de stéréotypes et de mensonges qui, selon moi, doivent cesser d’être colportés comme si c’était la vérité. Lorsque c’était possible, j’ai mis des liens avec d’autres informations afin d’aider à dissiper ces mythes nuisibles. J’aimerais appeler cette liste la liste « LIS UN LIVRE! » parce que je sais que plusieurs d’entre nous aimeraient crier cela lorsque nous lisons des commentaires haineux répétant toujours les mêmes mensonges.
Voici quelques points de ma liste « LIS UN LIVRE » auxquels les Canadien-ne-s doivent absolument cesser de croire.
Les Autochtones ne paient pas de taxes
En fait, la plupart des Autochtones de ce pays, qui sont plus d’un million de personnes, payent des taxes. L’exemption de taxes que tant de gens connaissent bien mal ne concerne qu’environ 250 000 personnes du pays et est extrêmement restreinte.
Les Autochtones reçoivent des maisons gratuites!
Des unités de logement social sont disponibles sur certaines réserves mais c’est aussi un programme qui existe pour d’autres populations démunies à travers le Canada. La plupart des Canadien-ne-s surestiment largement le nombre de personnes ayant réellement accès à ces unités de logement social.
Les Autochtones ont un accès gratuit à l’éducation post-secondaire!
Seulement certaines personnes avec le Statut d’Indien qui vivent sur des réserves sont éligibles pour un quelconque financement fédéral pour des études post-secondaires. Les Indiens sans statut, les Inuit et les Métis ne sont pas éligibles de même que plusieurs Indiens avec Statut qui vivent sur des réserves et qui appliquent pour ce financement mais qui se le voient néanmoins refuser. En 2006, seulement 3% des Indiens enregistrés avaient un diplôme post-secondaire contrairement à 18% au sein de la population canadienne en général.
Les leaders autochtones sont tous corrompus et super riches et c’est pourquoi leurs peuples sont aussi pauvres!
C’est, semble t’il, l’accusation la plus commune mais avec très peu de faits pour la soutenir. Même Stephen Harper se fonde sur ce stéréotype pour jeter le blâme à la Chef Spence lorsque la communauté d’Attawapiskat a déclaré l’état d’urgence. Cette accusation habituelle, une accusation tellement fréquente que c’est comme si la corruption était de notoriété publique, est rarement remise en question même lorsque la Cour fédérale parvient à la conclusion qu’il n’y a pas de preuve à cet effet. Je n’ai aucune idée de ce que ça prendra pour que tant de Canadien-ne-s cessent de répéter cette affirmation comme si c’était un fait avéré alors que ce n’est en fait qu’un préjugé établi. Dans une nation corrompue jusqu’à la moelle il est stupéfiant de constater tout le vitriol lancé aux communautés autochtones alors que ces communautés sont parmi les endroits les plus légiférés et contrôlés par le fédéral au Canada. J’aimerais approfondir cette question et je le ferai un jour mais laissons de côté pour cette fois-ci : ces affirmations ne sont pas fondées et doivent cesser d’être présentées comme étant véridiques.
Les Autochtones sont paresseux, ne travaillent pas, pleurnichent et se plaignent alors que c’est de leur propre faute…
Je ne vais même pas essayer de trouver une source qui puisse réfuter cette croyance clairement raciste. C’est juste trop chargé. Arrêtez. Arrêtez d’utiliser des anecdotes à propos d’un gars que vous avez rencontré une fois. Arrêtez de dire que vous avez habité près d’une réserve et que vous savez ce qui s’y passe. Arrêtez de dire que nos préoccupations ne sont pas légitimes. Arrêtez de nier la relation coloniale qui n’a jamais cessée dans ce pays. Arrêtez de prétendre que le colonialisme est de notre faute.
Arrêtez de prétendre que vous ne pouvez rien faire pour faire changer les choses.
Il y a d’autres choses dégueulasses qui sont dites à notre sujet, des commentaires qui deviendront toujours plus virulents à mesure que ce mouvement grandit. Si vous devez confronter ces croyances, le vidéo « Sh*t Canadians say to Aboriginal Women » vous mettra rapidement sur la piste de ce que certains Canadiens disent présentement à notre sujet à chaque fois que nos enjeux sont soulevés dans les médias.
Cher Canada, ne laissez pas ça continuer. Ensemble nous devons faire ce changement. C’est ce que demande la Chef Spence. C’est ce que demandent les peuples autochtones.
Plusieurs Canadiens se demandent : « Qu’est-ce que je peux faire pour aider? » Ceci est quelque chose que vous pouvez faire. Comprenez les enjeux vous-même et aider d’autres Canadien-ne-s à mieux les comprendre aussi. Ne laissez plus ces croyances être considérées comme des faits de « notoriété publique ». Contestez-les et contestez les politiciens qui se fondent sur ces stéréotypes afin de justifier le colonialisme en cours. Appuyer Idle No More. Exigez que Stephen Harper rencontre la Chef Spence et d’autres leaders. Exigez des changements.
Faites des changements.
Vivez les changements.
Pour notre bien à tous.
Traduction de Canada, it’s time. We need to fix this in our generation.