23 avril 2012
Amnistie internationale interpelle le gouvernement du Québec afin de trouver une solution pacifique au conflit étudiant et de cesser de recourir à des moyens portant potentiellement atteinte à la liberté d’expression et au droit de manifester pacifiquement.
Nous avons pris connaissance du nombre grandissant de récits journalistiques, de témoignages et de rapports décrivant les tactiques policières lors des manifestations, les méthodes d’arrestation, les actes de vandalisme et autres formes de violence, dans certaines villes et universités au Québec.
Ces renseignements nous portent à croire que l’approche choisie pour assurer la sécurité lors des manifestations semble avoir entraîné des violations des droits fondamentaux associés aux manifestations pacifiques et au cours normal de la loi, notamment le droit à la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique et d’association, ainsi que le droit d’être protégé contre les arrestations arbitraires.
Ainsi, le professeur de l’Université du Québec à Montréal, Paul Bélanger, a porté plainte contre le service de police de Montréal, après avoir été frappé à coup de matraque, vendredi 20 avril, alors qu’il manifestait pacifiquement aux abords du Palais des congrès de Montréal : « Dès que les policiers ont annoncé que la manifestation était illégale, ils se sont mis à courir vers nous. Je ne cours pas aussi vite que des jeunes étudiants, ce qui ne signifie pas que j’opposais une quelconque résistance aux policiers, explique Paul Bélanger. « La population, dit-il, a le droit de manifester sans être attaquée par les forces de l’ordre. »
Nous savons pertinemment qu’une grande responsabilité incombe aux gouvernements et à la police quant à la sécurité lors des manifestations qui ponctuent le conflit étudiant. Les gouvernements doivent se porter aussi garants de la sécurité des personnes participant à des manifestations pacifiques et autres activités publiques.
Nous réprouvons sans équivoque les actes de voies de fait, de vandalisme et autres actes de violence qui ont été perpétrés par certains individus. Les policiers ont le devoir d’empêcher de tels actes criminels et d’arrêter et d’accuser les personnes sur qui pèsent des motifs raisonnables et probables.
En vertu du droit international concernant les droits humains, néanmoins, il est essentiel que les mesures de sécurité respectent les droits associés aux manifestations pacifiques. Amnistie internationale s’inquiète du fait que les tactiques utilisées par les forces policières face à certains incidents violents et aux manifestations pacifiques, ainsi que les mesures de sécurité adoptées dans certaines universités, soulèvent des questions troublantes sur le respect de ces droits fondamentaux : usage excessif de la force par les autorités policières, arrestations massives et potentiellement arbitraires, intimidation et profilage par des forces de sécurité sur les lieux de l’université.
« Le gouvernement doit, par ses paroles et par ses gestes, réaffirmer son engagement à faire respecter la liberté d’association, la liberté d’expression et le droit de manifester pacifiquement » déclare Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Amnistie internationale.
Nous notons par ailleurs un recours à un processus de judiciarisation via les injonctions qui obligent à la reprise des cours. Bien que légales, ces injonctions peuvent porter atteinte au droit d’association et d’expression des étudiants en grève. Nous sommes aussi préoccupés par le recours questionnable dans certaines situations au Code de sécurité routière qui pourrait nuire au droit de manifester pacifiquement.
Enfin, Amnistie internationale Canada francophone reconnait le droit des manifestants de vouloir protéger pacifiquement le droit à l’éducation. Amnistie rappelle sa préoccupation face à la hausse des frais de scolarité, qui porterait atteinte à la progressivité vers une accessibilité à tous et toutes au cursus universitaire, telle que l’entendent les observations générales sur le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels auquel le Canada est partie.
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