Tout est là.
Sous la masse gigantesque du gratte-ciel de la bourse de Montréal, placé humblement contre un mur d'une bouche de métro, se trouve un petit coffre en plastique, pour recueillir des denrées alimentaires et autres, pour les plus démunis.
Une image présentant le gouffre entre deux mondes. En arrière plan, du haut de sa masse sombre et futuriste, le monde politico-économique de la finance internationale qui joue dans ce « bingo » planétaire avec les conditions d’existence de l'humanité et de l'autre, une petite boîte de plastique, probablement faite en Chine, sensée soulager la pauvreté matérielle de tous ces exclus.
En faut-il plus pour se sentir indigné?
N'y a-t-il pas quelque chose de proprement impudique dans cette petite boîte d'illusion qui témoigne d'une condescendance écoeurante à l'égard des inégalités sociales, celles-ci froidement élaborées par la mécanique de la spéculation financière à quelques pas de là?
La dimension minuscule de cette boîte est gênante devant le désespoir des victimes du train sans chauffeur de l'économie planétaire.
En 2011, cette seule image témoigne du manque total de scrupules des décideurs publics — qui n'ont de publique que leurs départements de relations publiques.
Devant un tel cynisme systémique, la question de savoir quelles sont les revendications précises des « occupants » est secondaire. Les gens qui occupent le square Victoria ont mille et une revendications à défendre. Mais le sentiment d'indignation est certainement quelque chose qui transcende les disciplines respectives. Et il ne faut pas chercher loin pour trouver les raisons de cette indignation.
Le système de corruption mis en place par le gouvernement libéral du Québec, par exemple, est maintenant connu de tous et pourtant, Jean Charest peut se maintenir au pouvoir sans que l'on ait quelques emprises sur lui. À Ottawa, Stephen Harper est passé maître dans l'utilisation de toutes les manœuvres les plus basses et toutes les procédures les plus dilatoires pour se maintenir au pouvoir depuis 2006. Ce sont les structures mêmes du système qu'il faut requestionner et, à petite échelle, c'est précisément ces nouvelles avenues de gestion et de prises de décisions collectives qui sont élaborées au campement des « occupants ».
Au delà des convictions politiques c'est aujourd'hui cette technocratie aveugle qui perpétue l'économie de combustibles fossiles -intimement liée à l'industrie de la guerre- qui, elle-même, n'a plus aucun lien avec les besoins des communautés locales -souvent d'ailleurs beaucoup plus politisées qu'on le prétend.
L'indignation tient bien plus de la faillite de la démocratie représentative libérale que des luttes précises des occupants du centre-ville, aussi importantes soit-elles.