Par Kim Dockstader, membre des collectifs Média Recherche Action et L des femmes
Dans Les femmes de droite, paru aux Éditions du remue-ménage, Andrea Dworkin nous amène à réfléchir sur le besoin impératif des femmes de survivre à une société profondément violente, dirigée contre elles, qui les amène à se rallier à l’antiféminisme comme un moindre mal. Des femmes de droite aux femmes de gauche issues de la dite libération sexuelle, nous sommes utilisées et contrôlées suivant les modèles de la ferme et du bordel.
L’auteure remonte à la racine du problème avec une analyse féministe radicale et matérialiste de l’oppression sexuelle des femmes qui ne se désolidarise pas de l’antiféminisme de certaines femmes, mais l’explique comme partie prenante du continuum de violence que nous avons peine à détruire.
Jusqu’où ira la conformité féminine? Nous vivons dans une société où l’idéal féminin s’incarne à l’intérieur d’un corps forcé à renoncer à son individualité et à son intelligence. Peu de féministes abordent l’intelligence sexuelle des femmes comme le fait Dworkin et expliquent comment la prétendue « nature soumise » des femmes a été créée et entretenue par la droite en restreignant les femmes à la domesticité.
Les femmes, comme classe de sexe, sont réduites, explique Dworkin, à leur sexe, exploité pour la reproduction (le modèle de la ferme) et sur laquelle la domination masculine se performe d’abord par la pénétration à n’importe quelles conditions (le modèle du bordel). Épouses ou putains, les conditions des unes et des autres ont leurs avantages et leurs inconvénients, mais à y regarder de près, aucune position ne leur permet d’échapper à la domination masculine à moins de la rébellion à laquelle invite Dworkin.
L’auteure critique une certaine incohérence des féministes qui ont cru qu’une libération sexuelle passant par le droit à l’avortement ne pouvait être récupérée par la suprématie masculine. Quant aux femmes de droite, Dworkin explique qu’elles ont tiré leçon de leur vécu. Elles ont connu dans leur chair les avortements bâclés et la violence des maris. Elles n’ont pas été dupes de cette «libération sexuelle» qui a permis aux hommes de se défaire de leur responsabilité post-coïtale, seul rempart au rapport de pouvoir implicite que croyaient détenir jadis les femmes.
En considérant la situation des femmes de droite, Dworkin réussit à dépasser les limites du féminisme libéral qui n’apporte aucune réponse ni à cette prise de position antiféministe ni à la montée du modèle du bordel.
Pour quelles raisons certaines femmes disent-elles préférer la prostitution à un travail salarié «conventionnel»? Parce que le travail des femmes sera toujours sous-payé dans une société qui hait les femmes : réponse sombre et pourtant réaliste que peu de féministes peuvent confronter efficacement, puisqu’elles misent sur l’équité salariale pour acquérir une certaine indépendance sexuelle, mais sous-estiment la violence du « régime social misogyne » et le pouvoir de la « coercition sexuelle » que la femme prostituée ne saurait ignorer.
Dworkin décrit les femmes comme réduites au « labeur sexuel », dans le modèle de la ferme comme celui du bordel. À cela elle oppose une « intelligence sexuelle » comme voie vers leur intégrité, laquelle «…devrait être ancrée d’abord et surtout dans la possession légitime par la femme de son propre corps. Or, écrit-elle, les femmes existent encore pour être possédées par d’autres, à savoir les hommes.»
Les femmes de droite d’Andrea Dworkin aux Éditions du remue-ménage, décembre 2012. Préface de Christine Delphy. Traduction de Martin Dufresne et de Michele Briand. ISBN 978-2-89091-350-9 – 24,95$ – 264 p. (http://www.editions-rm.ca/livre.php?id=1436)
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