Conférence de Janice Raymond à VRR
La prostitution : ni un métier ni un choix.
Publié le 26 juillet 2014 par beyourownwomon
Le 30 novembre dernier, à l’occasion de la commémoration du massacre à l’École Polytechnique de Montréal, un centre de femmes victimes de féminicides de Vancouver – le Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter – organisait une conférence consacrée à l’enjeu de la prostitution. Janice Raymond, philosophe, enseignante et ancienne directrice de la Coalition internationale contre la traite des femmes (Coalition Against Trafficking in Women), intervenait pour discuter des a priori entourant la prostitution et des conséquences des approches réglementariste et abolitionniste – à la suite de la publication de son dernier ouvrage, Not a Choice, Not a Job : Exposing the Myths about Prostitution and the Global Sex Trade (2013).
Le blogue féministe canadien Feminist Current a retransmis en podcast, grâce à la journaliste Meghan Murphy, l’intervention de la professeure Raymond, et en voici une adaptation française, réalisée par la webmestre de BEYOUROWNWOMON et moi-même. Une occasion exceptionnelle d’entendre de première main l’analyse féministe abolitionniste.
On peut commander l'ouvrage de Me Raymond à la Libraire L'Insoumise ou au http://amzn.to/1psCmWm
La prostitution : Ni un métier ni un choix
Janice G. Raymond
Programme de commémoration 2013 du féminicide de Montréal
30 novembre 2013, Bibliothèque publique de Vancouver, Canada
Mon intervention portera sur les a priori qui ont cours au sujet de la prostitution et de l’abolitionnisme en général.
La première raison de ces a priori est certainement – beaucoup d’entre nous en sommes conscientes et il faut en parler – que nos médias sont fascinés par une glamourisation de la prostitution. Ils idéalisent celle-ci comme une forme de sexualité. Nous avons aussi une culture proxénète, où nous baignons, et une industrie du sexe massive et mondialisée, notamment en raison des campagnes menées à l’échelle internationale par les organisations faisant la promotion du « travail du sexe ». Nous avons aussi des utilisateurs de la prostitution, des hommes qui considèrent avoir un droit légitime et attitré d’accès sexuel aux femmes.
Et nous avons, malheureusement, beaucoup de groupes, y compris beaucoup d’organisations non gouvernementales dites progressistes, qui souscrivent à l’idée selon laquelle la légalisation de la prostitution protège les femmes, celle-ci est simplement un emploi et devrait être traitée comme telle, comme un service.
Puis, s’ensuivent les clichés habituels, du style « la prostitution est inévitable » – on m’a dit cela encore ce matin lors d’une entrevue –, c’est « le plus vieux métier du monde », la légalisation de la prostitution régulerait l’industrie du sexe; ou, dans les médias plus progressistes, la prétention que la prostitution est le « travail du sexe », la traite n’est que la migration pour effectuer ce travail, la prostitution est un service comme n’importe quel emploi de service, la traite est forcée, mais la prostitution est un choix.
J’aimerais déconstruire certaines de ces prétentions aujourd’hui, mais d’abord vous en dire un peu sur ma propre expérience. En tant que militante, j’ai rencontré des centaines de femmes aux prises avec des systèmes prostitutionnels. Des femmes dont la vie a été ravagée par la prostitution. Des femmes qui ont cru fuir leur pays vers de véritables emplois, pour finalement aboutir dans l’industrie du sexe. J’ai rencontré des fugueuses dans mon propre pays, les États-Unis, qui ont dû quitter leur foyer pour fuir l’inceste et sont tombées sous la tutelle de proxénètes qui hantent les gares de trains ou les terminus de cars partout au pays.
J’ai visité des bordels, au Bangladesh et ailleurs, où j’ai vu des fillettes d’aussi peu que 9 ans mises au service d’acheteurs masculins, et j’ai parlé à plusieurs hommes, des prostitueurs habitués, qui considèrent comme leur droit légitime l’achat de femmes et de fillettes, soi-disant pour satisfaire leurs « besoins sexuels ». Et même si, lors de toutes les conférences et de tous les cours que j’ai donnés, j’ai bien vu que les gens réagissent à la cruauté des proxénètes et des trafiquants et qu’ils sympathisent avec les victimes, parfois, j’ai souvent constaté que beaucoup de gens bien intentionnés perdent le fil du lien entre la traite des femmes et la prostitution, le sens de ce que signifie la légalisation de la prostitution dans un pays donné.
Ils perdent ce fil parce qu’on les convainc de certains a priori. On leur dit, par exemple, que la légalisation va contrôler l’industrie du sexe, contrôler le crime organisé, réduire l’incidence de la traite des femmes, et qu’elle va protéger les femmes en situation de prostitution en régulant le système et en le débarrassant de tous ses excès. Je sais toutefois que même si beaucoup de gens se sont vu inculquer de tels truismes, ces personnes demeurent inquiètes quant à la véracité de ces a priori, en apparence réalistes, auxquels ils et elles se sentent souvent incapables de répondre. Déconstruire certains de ces truismes est un de mes objectifs ici aujourd’hui.
Quand j’ai commencé à travailler sur le sujet dans les années 1980, dans le cadre d’une campagne visant à abolir la traite et la prostitution, il n’y avait presque aucune ONG ni aucun gouvernement qui abordaient la question de la demande. Il était interdit d’évoquer la responsabilité des hommes, des acheteurs de la prostitution. Il a fallu 20 ans pour qu’un nombre suffisant d’États commencent à prendre en compte, au plan juridique, de façon très modeste, toute cette question des acheteurs. Il y eut d’abord la Suède, puis la Corée du Sud, puis la Norvège et l’Islande. Par contre, depuis la mise en place de lois pénalisant la demande, on a vu se multiplier les arguments et les campagnes visant à renverser ces lois. Par exemple, en Norvège, le Parti conservateur a inscrit à sa plate-forme électorale la promesse d’abroger la loi sur les acheteurs, et ils ont malheureusement été élus. Nous verrons ce qui en sera.
Mais j’aimerais m’attacher aujourd’hui très précisément aux arguments concernant la pénalisation de la demande, à la nature de ces arguments et à ce que l’on peut y opposer. Je suis philosophe de formation, et j’aime beaucoup analyser les dossiers controversés à partir des arguments avancés.
Un des principaux arguments allégués (dans l’optique réglementariste) est qu’au lieu de pénaliser les acheteurs, les gouvernements devraient accueillir les utilisateurs de la prostitution comme des partenaires dans la lutte contre la traite et la prostitution. Ce genre d’approche parle de « prostitueurs responsables », ou d’« acheteurs éthiques ». Un exemple s’en est manifesté lors de la Coupe du monde de 2006, qui a eu lieu en Allemagne. Comme beaucoup d’entre vous le savent, l’Allemagne a décriminalisé en 2002 plusieurs aspects de la prostitution : les bordels, le proxénétisme, etc. Donc au moment de la Coupe du monde de 2006, des organisations féministes et de droits de la personne ont mené une campagne en ce sens, en promulguant la notion de « prostitueurs responsables » (responsible johns).
Ces associations faisaient ainsi la promotion d’une version « éthique » du tourisme sexuel. Elles ont distribué des tracts rédigés en quatre langues près des stades où les hommes affluaient aux parties de foot, en conseillant aux prostitueurs potentiels de s’abstenir d’acheter des femmes, dans les bordels créés sur place cette année-là à l’intention des fans de la Coupe mondiale, mais seulement si ces femmes leur disaient qu’elles avaient des dettes élevées envers le propriétaire du bordel, ou qu’elles étaient exploitées, ou qu’elles avaient été amenées de force à la prostitution.
Les questions que l’on peut bien sûr se poser sont d’abord : pourquoi une femme dirait-elle à un homme qu’elle est forcée de se prostituer, et surtout, pourquoi le prostitueur le lui demanderait-il? Cet argument a néanmoins été un leitmotiv du lobby pro-prostitution : « Nous pouvons apprendre aux prostitueurs un comportement responsable, a-t-on prétendu, nous pouvons former les acheteurs, les utilisateurs de la prostitution, les michetons – appelez-les comme vous voudrez –, nous pouvons faire en sorte qu’ils aient un comportement éthique. »
On peut ensuite se demander si ces campagnes ont eu des effets concrets sur le comportement des prostitueurs? Il n’existe aucune étude sur l’effet des campagnes de 2006, aucune indication d’effets positifs. Par contre, en 2010, le Conseil municipal d’Amsterdam a mené un petit sondage par Internet pour recueillir les avis des habitués des sites prostitutionnels d’achat de sexe comme le « World Sex Guide », un site énorme. Une des questions était « Lorsque vous tombez sur des femmes prostituées dont vous pensez qu’elles sont contraintes, intervenez-vous? » Eh bien, les réponses ont clairement été « Non », chez tous les répondants.
Aux États-Unis, une autre étude similaire a été menée, dans mon État du Massachusetts, auprès de deux mille hommes, et elle a donné le même résultat : lorsque des hommes savent que les femmes en prostitution sont forcées, exploitées par des proxénètes ou victimes de la traite, cela n’affecte aucunement les comportements des hommes. Ils continueraient d’acheter, d’utiliser les mêmes femmes, même s’ils pouvaient être, de quelque façon, informés de leur situation, même s’ils constataient des marques de violences physiques sur le corps des femmes : bleus, etc.
Donc, même si nous disposons de peu d’études de ce genre, je ne suis pas convaincue que ces études sont essentielles. Par contre, je les trouve utiles pour déterminer les résultats de ces campagnes dites d’« acheteurs éthiques ».
Autre exemple : le gouvernement néerlandais a mis en place une ligne téléphonique, dans le cadre d’un programme de prévention du crime, où les prostitueurs peuvent appeler pour faire état de violences qu’ils auraient constatées. Or, cette ligne téléphonique n’a jamais été utilisée à cette fin. Mêmes expérience et résultat au Danemark. Quoi qu’il en soit, c’est un de leurs arguments.
Un autre argument invoqué, surtout dans le milieu universitaire, décrit la prostitution comme un enjeu trop complexe pour que l’analyse de la demande ne cible que la consommation d’actes sexuels tarifés. Pourquoi est-ce que je parle d’un angle que préfèrent les universitaires? PaParce que cet argument fait essentiellement de la demande une abstraction. Il propose une sorte de métamorphose qui transforme des hommes en chair et en os en simples « forces du marché ». Et bien sûr qu’il existe d’autres facteurs qui attisent la prostitution et la traite, bien sûr qu’il n’y a pas que la demande masculine qui est en jeu. La prostitution est aussi le fait des politiques économiques nationales et internationales, de la globalisation et donc des crises politiques et financières affectant certains pays. Elle reflète même des catastrophes naturelles, comme dans la région centrale des Philippines, où la traite prolifère en ce moment – ou encore des situations d’occupation armée, dont les États-Unis sont les premiers responsables. Les stéréotypes et pratiques racistes et, bien sûr, l’inégalité structurelle entre les femmes et les hommes sont également des forces pertinentes. Mais le fait est que, privé de la demande masculine, le système prostitueur ferait faillite.
On voit donc la majorité de la documentation universitaire sur la prostitution s’efforcer constamment – et particulièrement dans la plupart des départements de women’s studies, que je connais bien – d’éviter de définir la demande en termes d’hommes réels exerçant un accès au corps de femmes tout aussi réelles. Cette obstruction est vraiment incessante.
Considérons à présent un autre prétexte utilisé, celui qui allègue que le fait de pénaliser la demande pousse les femmes dans la clandestinité. C’est un argument qui fait son effet, en particulier dans certains cercles, puisque bien des gens ont tendance à penser que « c’est vrai après tout... si l’on pénalise la demande, les prostitueurs ne vont plus oser aller racoler les femmes sur le trottoir », et ainsi de suite. C’est un argument qui a beaucoup servi en Suède. Mais l’on doit se demander, concrètement, ce qu’est la clandestinité. Eh bien, cela signifie habituellement que la prostitution est repoussée derrière des portes closes, ou sur Internet. Pourtant, ni l’un ni l’autre de ces choix n’est particulièrement « clandestin » ou « underground » au sens d’un manque d’accessibilité. Les acheteurs – et les policiers – n’éprouvent aucune difficulté à localiser ces sites, surtout sur Internet, où leur publicité est omniprésente. On pourrait même aller jusqu’à dire que les messages publicitaires affichés sur Internet rendent la prostitution plus visible que jamais.
Dans un rapport rédigé en 2010 par une commission nationale suédoise chargée d’évaluer les effets de la Loi, il est même souligné que la visibilité de la prostitution sur Internet facilitait le travail des services de police pour engager des poursuites contre les organisateurs de l’industrie du sexe et pour localiser les acheteurs de sexe – et leurs victimes.
Il n’existe pas non plus le moindre élément de preuve suggérant que les lois pénalisant les acheteurs – comme la loi suédoise, ou modèle nordique – ont conduit à pareille migration de l’activité prostitutionnelle. Le système prostitueur ne cesse d’évoluer et, selon les associations de terrain – celles qui appuient les victimes – aucun déplacement vers la prostitution intérieure n’a accompagné l’entrée en vigueur de la loi et la très forte diminution constatée dans la prostitution de rue.
Cette baisse énorme de la prostitution de rue, le lobby pro-prostitution tente systématiquement de l’« expliquer » par un basculement vers la prostitution pratiquée à l’intérieur. Mais il y a là une contradiction frappante. Je trouve étrange que nos opposants recourent à cet argument-là, lorsqu’ils s’en prennent au modèle suédois, en affirmant que toute pénalisation de la demande repousse les femmes prostituées vers des sites intérieurs plus clandestins et plus dangereux. En passant, la majorité des groupes qui jouent cette carte sont des adversaires de longue date de la loi. Mais lorsque ces mêmes groupes font la promotion de la légalisation ou de la décriminalisation, ils soutiennent que la prostitution pratiquée à l’intérieur est une solution plus sécuritaire pour les femmes. Qu’est-ce que cela veut dire? Il faut être cohérent : soit le secret rend la prostitution plus dangereuse pour les femmes prostituées, soit il assure leur sécurité. Et pourtant, ces gens tiennent ce double discours, sans autre forme de procès. Bien sûr, leur objectif est, dans le premier cas, de discréditer toute loi qui pénaliserait les acheteurs. Je crois que c’est là encore un argument qui a beaucoup servi : pénaliser l’acheteur forcerait les femmes prostituées à prendre des risques plus importants.
L’argument est habituellement formulé comme suit : on entend souvent dire qu’avant la loi, les femmes prostituées avaient le temps d’évaluer leurs acheteurs; avant de devoir monter à bord d’une automobile, elles disposaient d’un délai plus long pour vérifier la présence de danger avant de « conclure la transaction ». Mais j’aime beaucoup ce qu’en dit Trisha Baptie, survivante de la prostitution et journaliste canadienne. Elle témoigne, et je la cite : « Je pouvais avoir cinq minutes, deux minutes, dix minutes... cela n’avait aucune sorte d’importance, c’était une question de chance : aucune d’entre nous n’avait les moyens de deviner si cela allait se passer comme d’habitude ou pire. » Et je pense que ce que les gens ne savent pas, c’est que le risque que vivent les femmes dans les bordels légaux des Pays-Bas, de l’Allemagne, de l’Australie et des autres pays où la prostitution est légalisée, leur risque d’être violentées et blessées est beaucoup plus élevé que celui que connaissent les femmes prostituées dans les pays où existent des lois contre leur achat. C’est une des raisons pour lesquelles, dans les pays où la prostitution a maintenant pignon sur rue, les lobbies pro-prostitution publient des manuels d’autodéfense qui indiquent aux femmes – y compris celles des bordels légaux – comment survivre à la violence des acheteurs. Ces manuels expliquent comment utiliser du matériel spécialisé; comment ne jamais utiliser d’oreiller, pour éviter d’être asphyxiée par un acheteur; et pourquoi garder un poignard sous le lit, par mesure de sécurité. Lisez ces guides : ils sont affichés sur Internet et correspondent à ce qu’une amie appelle « de la gestion de crise en cas de prise d’otage »; c’est le sens de ces manuels.
Tout cela pour dire que de tels risques sont inhérents à la prostitution. Et les prostitueurs sont partie intégrante de ces risques. Ces manuels le démontrent implicitement. Ils témoignent des risques constitutifs du système prostitutionnel, que ce soit dans les pays qui tolèrent ce système ou dans ceux qui affirment que la légalisation rend la prostitution moins dangereuse. Cette assertion est fausse. Un tiers des bordels à vitrines d’Amsterdam, aux Pays-Bas, ont dû être fermés parce que le crime organisé en avait pris le contrôle – et je parle des bordels légaux, même pas de tous les établissements clandestins. En Australie, la légalisation de la prostitution a d’ailleurs conduit à une très forte hausse de la prostitution illégale, si bien qu’aujourd’hui, dans l’État de Victoria, il y a trois fois plus de bordels illégaux que d’établissements accrédités.
Voilà donc qui dispose de l’argument voulant que la légalisation de la prostitution protège les femmes.
Parlons maintenant des « zones de tolérance ». Au début, les Pays-Bas ont mis en place des « zones de tolérance » – nous parlons plutôt de « zones sacrificielles » – dans les principales villes comme Amsterdam, Rotterdam et Eindhoven. Celles-ci ont toutes dû être fermées, presque aussitôt après leur ouverture, en l’espace de quelques années. Il s’agissait pourtant de zones surveillées, où les clients arrivaient en voiture et se garaient dans des « box » en forme de garages, des « zones de sexe » où des femmes s’occupaient des hommes dans les voitures et des policiers circulaient continuellement. Et pourtant même ces zones sont tombées sous la coupe du crime organisé. C’est la raison pour laquelle elles ont été fermées, mais également parce que les hommes y violaient couramment les femmes, et cela sous les yeux mêmes de la police. C’est dire que le risque de violence, de préjudices envers les femmes dans plusieurs de ces secteurs – et particulièrement dans les bordels légalisés – est extrêmement élevé.
Enfin, un autre argument rhétorique affirme que les femmes qui sont dans la prostitution ne veulent pas d’une pénalisation des acheteurs. Mais cet argument dépend bien sûr d’à quel groupe de femmes prostituées la question est posée : à mes yeux, l’alternative est entre les femmes se définissant comme « travailleuses du sexe » et celles qui se définissent comme « survivantes » de la prostitution. Et je pense que l’on devrait parler beaucoup plus de cela, du fait que deux voix conflictuelles parlent au nom des femmes qui sont dans la prostitution, toutes deux affirmant posséder la légitimité de l’expérience.
Une de ces voix, celle des survivantes, nous dit que la prostitution est bel et bien une violation des droits humains des femmes et une forme de violence contre elles. Elle maintient que la défense des droits des femmes prostituées exige la pénalisation de leurs agresseurs, y compris les acheteurs, ainsi que l’apport d’un soutien concret aux victimes – et cela ne signifie pas de simples solutions de sécurisexe, mais l’offre aux femmes d’un accès à d’autres modes de vie.
La seconde voix, beaucoup plus bruyante, est celle desdites « travailleuses du sexe » et de leurs alliés : elle « glamourise » la prostitution, lui donne une apparence « sexy » et par conséquent, est beaucoup plus présente dans les grands médias. Leurs lobbies semblent bénéficier de financements importants : leurs groupes aux États-Unis reçoivent beaucoup plus d’argent que les associations abolitionnistes.
Pour donner un exemple, il y a eu durant plusieurs années aux États-Unis une organisation appelée « C.O.Y.O.T.E. », dont vous avez sans doute entendu parler. C.O.Y.O.T.E. était le plus influent des groupes prétendant parler au nom des femmes dans la prostitution. Pourtant, les femmes de C.O.Y.O.T.E ne faisaient que des relations publiques : elles n’offraient pas le moindre service aux femmes prostituées, pas même du thé ou du café ou un minibus dans les rues, rien du tout. Leur unique rôle était de donner de la prostitution une image « sexy », et elles ont toujours eu la faveur des médias. Et pendant des années et des années, elles ont été « la voix des femmes prostituées ». C.O.Y.O.T.E. a fait ouvertement campagne contre les lois sur le proxénétisme, il a milité en faveur de l’industrie pornographique, allant même jusqu’à témoigner lors de procès pour appuyer des pornographes. Pourtant, ses militantes s’autoproclamaient défenderesses d’une normalisation de la prostitution.
En menant une recherche au sujet de C.O.Y.O.T.E., nous avons découvert que, contrairement à ce qu’elle affirmait, cette organisation n’avait pas été fondée par des femmes étant ou ayant déjà été prostituées. Cette malversation a finalement été dénoncée publiquement, et l’organisation a dû la reconnaître.
Conséquemment, je pense vraiment que ce que nous devons commencer à faire – « nous » étant nos alliéEs, des organisations comme la nôtre qui travaillons à ces enjeux et toutes et chacun d’entre nous en général –, c’est d’arriver à mieux faire entendre la parole des survivantes, de lui donner une portée immense, car ce sont bel et bien elles qui parlent d’expérience. Ce sont elles qui savent ce dont elles parlent. Mais comme elles n’essaient pas de présenter la prostitution comme « sexy », elles ne sont pas des figures attrayantes pour les grands médias.
C’est ce que nous avons essayé de faire il y a de cela quelques années. Nous avons organisé une conférence où sont intervenues des survivantes de la prostitution pour sensibiliser le Parlement européen. Certaines d’entre vous ont peut-être lu le document relatant cette initiative, sur le site Web de notre organisation, la Coalition internationale pour l’abolition de la traite des femmes (CATW), intitulé « Le manifeste des survivantes de la prostitution »; il est rédigé à partir du même modèle qu’un document semblable créé aux Philippines par 75 femmes dans la prostitution. Ce manifeste proclamait essentiellement que la prostitution n’était pas un travail du sexe et que la traite ne relevait pas d’une libre circulation aux fins du travail du sexe. Ce texte invitait les gouvernements à arrêter de légaliser ou de décriminaliser l’industrie du sexe, c’est-à-dire d’accorder aux proxénètes et aux prostitueurs la permission légale de vendre et d’acheter des femmes. Et depuis, les blogues et les sites Web de survivantes se sont multipliés. Je sais qu’au Canada, un groupe de survivantes de la prostitution ont été auditionnées pendant l’affaire Bedford, ainsi que d’autres groupes de femmes, et c’est vraiment merveilleux.
Je crois vraiment que c’est à cela que nous devons nous activer, précisément à cause de l’envahissement des personnes qui s’identifient aujourd’hui comme « travailleuses du sexe ». Je sais que beaucoup de femmes utilisent cette expression et ce n’est pas à ces mots que je m’en prends. Je m’en prends en revanche aux femmes qui se font les porte-parole de l’industrie du sexe. C’est de plus en plus monnaie courante, et je crois que nous devons commencer à parler très sérieusement de ce phénomène. Et une des façons dont nous pouvons y arriver est de rendre plus audible la parole des survivantes dans des forums comme celui de ce soir.
Un dernier argument auquel j’aimerais répondre est celui selon lequel la pénalisation des prostitueurs porte préjudice à leurs enfants et à leur épouse, particulièrement lorsqu’est rendue publique leur arrestation et leur mise en accusation. En d’autres mots : ne pénalisez pas les acheteurs, pour ne pas porter préjudice à leur famille. Mais l’on pourrait poser la question : en quoi le secret gardé au sujet des acheteurs protège-t-il réellement leurs épouses et leurs enfants? Enfin, c’est une évidence que les femmes ont bien le droit de savoir ce que font leurs époux ou conjoints, et de connaître les risques de leur contamination par une MST.
J’en viens donc à la conclusion que les arguments contre la pénalisation de la demande ne tiennent pas la route. Et c’est un paradoxe assez frappant de voir les groupes dits « pro-sexe » réagir constamment aux mesures de restriction des hommes en suggérant que toute mesure qui pénalise des hommes équivaut à pénaliser, d’une manière ou d’une autre, les femmes.
Enfin, je voudrais m’arrêter quelques minutes sur le modèle sud-coréen; on a toujours tendance à prendre des pays occidentaux comme exemples – mais celui-ci présente des aspects intéressants. La plupart d’entre vous avez sans doute déjà entendu parler du modèle nordique, mais probablement moins du modèle sud-coréen. En deux mots, la République sud-coréenne a adopté en 2004 une loi intitulée la « Loi de tolérance zéro » – c’était son nom – dont l’un des objectifs était de pénaliser la demande prostitutionnelle. Une des mesures clés de cette loi a été l’attribution d’un budget important pour l’assistance aux femmes qui étaient dans la prostitution. Quand j’ai rencontré l’équipe de ces services de soutien, elle m’a informé qu’une de ses plus grandes satisfactions était de constater l’efficacité du programme d’assistance, puisque le nombre de femmes dans la prostitution avait diminué de 56 % quelques années après l’adoption de la loi. C’est ce qu’a démontré une étude gouvernementale, menée par le ministère sud-coréen de l’Égalité entre femmes et hommes. En plus de cette réduction de 56 % des femmes en prostitution, le nombre de « zones de sexe » avait aussi baissé de quelque 40 %.
Alors, qu’est-ce qui a conduit à ces résultats? Ce fut le programme d’assistance, essentiellement financé par le gouvernement et qui a fourni aux femmes des services de counseling, de formation à l’emploi, de soins médicaux, ainsi qu’une indemnité mensuelle et une assistance juridique. Pour avoir accès à cette assistance, les femmes devaient d’une façon ou l’autre témoigner – par l’intermédiaire des organismes d’aide, qui s’en portaient garants – qu’elles avaient subi des violences, ou qu’elles souffraient de dépendance à la drogue, ou qu’elles étaient mineures. Des milliers de femmes ont eu recours à ce programme et ont par la suite quitté la prostitution. Cependant, ce succès est aussi dû au fait que le gouvernement a mis en application la sanction juridique de l’achat d’actes sexuels. Les prostitueurs pouvaient ainsi encourir en Corée jusqu’à un an de prison et une amende pouvant atteindre 3 millions de wan, soit environ 2800 dollars (ou 2000 euros). En 2006, le ministère de l’Égalité entre femmes et hommes a également interrogé des hommes disant qu’ils avaient été prostitueurs mais qui avaient de toute évidence cessé d’en être à cause de l’entrée en vigueur de cette loi.
Mais chose plus importante encore, les groupes de Coréennes m’ont aussi appris – et je les cite ici : « Les survivantes de la prostitution disent que c’est comme un miracle qu’elles peuvent échapper à la prostitution grâce au système de protection mis en place par la loi. Alors qu’elles avaient toujours cru vivre en parias, elles constatent aujourd’hui qu’elles sont protégées par la loi, et les sanctions menaçant aujourd’hui les intermédiaires qui semblaient vivre au-dessus de la loi leur apportent un véritable sentiment de pouvoir. » C’est dire que les associations féministes entendaient des témoignages de cet empowerment des femmes, qui savaient que les hommes qui abusaient d’elles pouvaient enfin encourir des sanctions.
Je terminerai en vous disant – certaines d’entre vous le savent déjà – qu’après de longs travaux d’analyse du dossier, les parlements français et irlandais ont déposé des projets de loi de pénalisation des prostitueurs. La semaine prochaine aura lieu à l’Assemblée nationale française le vote d’une loi abolitionniste qui interdit l’achat d’actes sexuels, révoque la pénalisation du racolage – la loi Sarkozy pénalisant le « racolage passif » –, met en place des stratégies de sortie dotées d’un budget spécifique avec la création de filières locales, crée un accès à des indemnités destinées aux victimes de la prostitution et de la traite, et donne effet à des campagnes nationales de sensibilisation et à des politiques de prévention. Cette proposition de loi a été déposée par la gauche – les groupes socialistes et communistes – ce qui fait qu’on ne peut prétendre qu’elle est le fait de religieux moralistes. La plupart des grands groupes politiques de l’Assemblée nationale l’appuient. Nous espérons ainsi que la loi sera votée et que cela étendra à plusieurs pays d’Europe la loi contre l’achat de sexe pour ne pas qu’elle reste limitée aux pays scandinaves.
Je ne dis pas pour autant que les lois pénalisant les acheteurs sont parfaites. Je ne prétends pas non plus que le droit soit la seule solution. Mais en même temps, le droit est beaucoup plus que le droit. C’est une indication de l’attitude de tout un pays au regard des préjudices que subissent les femmes. La loi indique sans conteste que dans tel ou tel pays, les femmes ne seront pas à acheter ou à vendre. Elle a une immense fonction normative, et je crois qu’elle démontre que la prostitution n’est pas inévitable et qu’elle institue la responsabilité juridique des acheteurs. Ces lois sont certes modestes, elles font de l’achat prostitutionnel un délit et non un crime. Dans la plupart des pays, elles ne créent même pas de délit. Mais elles indiquent bel et bien que, dans ce pays, l’achat des femmes et des enfants ne sera pas toléré.
Merci de votre attention.
Janice Raymond, 30/11/2013.
Transcription et traduction : beyourownwomon et moi
http://beyourownwomon.wordpress.com/2014/07/26/la-prostitution-ni-un-metier-ni-un-choix/
Podcast original en anglais : http://feministcurrent.com/8263/podcast-prostitution-not-a-job-not-a-choice-a-talk-by-janice-raymond/
Texte anglais :
« I'm going to talk about abolition of prostitution, and I'm also going to be talking about what I call the myths that people have about prostitution in general, abolitionism in general, and a lot of the issues I think that many, many of you are familiar with and that I really think it is important to speak about.
« I think one reason that we have these myths is that basically we have a media that is very entranced with the glamorization of prostitution and that idealizes prostitution as sex. We have a prostitution and pimp culture in which we live. We have a sex industry that is global. And we have a globalized prostitution industry that is essentially supported by the globalization of pro-sex work advocacy around the globe. We have men who are prostitution users who are there and who feel entitled to the access that they have to women. And we have a lot of, unfortunately, groups, including very progressive NGOs, who feel that legalization of prostitution protects women. It's simply a job and it should be treated as such, or a service. We have the kind of cliches that really reign: that prostitution is inevitable (I was asked that eternal question this morning in an interview); prostitution is the oldest profession; legalized prostitution regulates the sex industry. Or in the more progressive media, prostitution is sex work, trafficking is migration for sex work. Prostitution is a service, like any other service job. Trafficking is forced and prostitution is voluntary.
« So, I'd like to unpack some of those claims today. But before I do that, I'd just like to tell you just a little bit about my own experiences.
« As an activist I've met hundreds of women in systems of prostitution whose lives have been ravaged by it. I've met women who thought they were migrating out of their country for decent jobs only to wind up in the sex industry. I've encountered runaway girls in my own country who left home because male relatives had sexually abused them and then find themselves smooth talked by pimps in the railway stations or bus stations across the country. I've been in brothels in Bangladesh and other places where I've seen girls as young as nine servicing male buyers. And I've talked to a lot of men who are habitual prostitution users, who feel entitled to purchase women and girls to meet their alleged sexual needs.
« And although, in a lot of the speaking I've done and a lot of the teaching I've done, you know I certainly know that people react to the viciousness of pimps and the viciousness of traffickers, and they sympathize with victims, sometimes. But I think a lot of often good and well meaning people are really confused about the relationship between trafficking and prostitution and about what it means to legalize a whole system of prostitution in a particular country. Because they're fed truisms, they're fed truisms such as legalization will control the sex industry, it will control the influence of organized crime, it will lessen the incidences of trafficking, it will protect the women in prostitution because it will regulate the system and it will get rid of all of the, you know, the excesses. And I know that a lot of people are, they've been fed those truisms, they're very unsure about those kinds of assumptions, whether they're true, because they sound realistic, but often they don't know how to respond.
« So, I hope today to do a little bit of unpacking about some of those truisms. When I began working on this issue in the 1980s in the campaign to abolish sex trafficking and prostitution, there were almost no NGOs and almost no governments that were addressing the demand side. You could never mention the men, the prostitution users. And it took almost twenty years for a solid block of countries to legally address, in a very modest way, the whole question of the buyers. First came Sweden, then came South Korea, then came Norway, and then came Iceland. And since these laws penalizing demand have been put in place, there have been a lot of arguments and a lot of attempts to overturn the laws. For example, the law in Norway: the conservative government was just elected was elected on the platform that they would overturn the law against the buyers. And unfortunately they have been elected. So we'll see, we'll see what happens there.
« But I'd like to center today just on some of the arguments that have been used around the whole issue of penalizing demand and what the arguments are and what some of the responses to those arguments might be. I'm a philosopher by training so I like to deal a lot in arguments. A big one is, instead of penalizing the buyers, governments should welcome prostitution users as partners in the campaign against trafficking and prostitution. We call these kinds of arguments, these kinds of programs, "responsible johns" or "ethical buyers".
« An example of this was the World Cup situation in 2006 which was held in Germany. And many of you may know that Germany has decriminalized many of the aspects of the system of prostitution, in some cases brothels, pimping, et cetera. So when the World Cup took place in Germany in 2006, there were women's organizations and human rights organizations that set up a campaign, and the campaign was actually called "Responsible Johns". And what they did was, they promoted an ethical version of sex tourism. Now what that ethical version of sex tourism was, was that they distributed literature around the stadium where the men where coming in to the football game, in four languages, encouraging men to abstain from sex in the brothels that surrounded the stadium, and there had been specific brothels that were set up specifically for the entrance of the World Cup in that year. To abstain from sex, but only if the women say that they've got high debts with the brothel owners, or they're being exploited, or if the women tell the men that they've been forced into prostitution.
« Now the question, of course, is why would a woman tell a man, first of all, that she's been forced into prostitution, and second of all, you know, why would he ask? Now this has been a big argument of the pro-prostitution lobby: we can train johns to be ethical, we can train johns, we can train buyers, we can train prostitution users, we can train kerb-crawlers, whatever you call them, to be ethical. So then one might ask, well, you know, do these campaigns have any effect on the buyers?
« There's no literature from the World Cup in 2006 that says that that campaign was successful. But in 2010, the Amsterdam city council did an internet study, a small study, sampling the views of men who used internet sex sites. They put the survey on things like the World Sex Guide (which is a very big, global internet sex site) and they asked users – they asked prostitution users to basically, well, one of the questions was, when you come across women who you think have been forced into prostitution, do you take any action. Well, the answers were "no" across the board. There's been another study that's been done in the United States, of 2000 men, in my state, Massachusetts, and the study found that the knowledge that the women who have been exploited, coerced, or pimped, or trafficked, failed to make any difference in the behaviour of the buyers. They continued buying, they continued using the same women, even though they might have known this in some way. Even though they thought they saw signs, bruises for example, on women's bodies.
"So, you know, we don't have a lot of studies that have been done around this – I don't think we need these studies but I think they're very useful, in terms of talking about what are the results of these alleged ethical buyers campaigns. The government of the Netherlands has a hotline where a buyer can call in, it's called, it's part of the Crime Stoppers program, where buyers can call in and say, they can register if they've seen any abuse. That hotline has never been used for that purpose. Same in Denmark. So, at any rate, that's one argument.
« Another argument is, and this is an argument that is very common in academia, that prostitution is too complex an issue to limit demand simply to the consumer of sexual services. Now, I say that's a favourite academic argument, because basically, it makes demand abstract. It kind of metamorphoses real live men into market forces. And, of course there are other factors that promote prostitution and trafficking. Of course its not only the demand. National and international economic policies. Globalization. Countries in financial and political crisis. Natural disasters. Like we see in the Philippines, where immense amounts of trafficking are now going on in the central region. Military presence, for which the United States bears an immense responsibility. Racial stereotypes and practices. And of course women's inequality. But you know a prostitution market without demand would go broke. And so, there are constant attempts, in most of the academic literature on prostitution, at least in a lot of the Women's' Studies literature that I am familiar with, that really does not want to talk about demand in terms of real live men exercising access to real women's bodies. And these debates go on all the time.
« Another argument is that penalizing the demand drives women underground. And I think this has been a particularly powerful argument in certain circles, because people think, well, yeah, if you penalize the men, they're afraid to come up to the women on the streets, or whatever. But then you have to ask, what is underground? This has been a big argument, by the way, that's been used in Sweden. Well what underground usually means is that prostitution has been driven to some indoor site or to the internet, both of which are hardly underground, or clandestine in ways that are not accessible. I mean both the buyers, and the police for that matter, can access these sites. And advertisements on the internet are very visible. In fact, one could argue there that prostitution is more visible than elsewhere. And the 2010 report of the Swedish National Board, which evaluated the law in Sweden came to the conclusion that exposure on the internet makes it easier for the police to reach people who are organizing the sex trade and to locate the purchasers of sex and to locate the victims. There is no evidence to suggest that laws penalizing the buyers, such as the Swedish law, the Nordic model, have caused prostitution to migrate elsewhere. Prostitution is always migrating. And it's Swedish organizations, for example, claim that those who assist victims report that there has been no overall increase in indoor prostitution in the country since that law went into effect, and since the dramatic reduction in street prostitution. There has been an immense reduction in street prostitution, so the pro-prostitution folks use this argument all the time to say, “oh yeah, well, it's just gone indoors.”
" But there's a blatant contradiction in this claim as it's used by the critics, because its very interesting that the critics will use this argument – when they're against the Nordic model, they will use the argument to say that it's driven prostituted women into more clandestine and into more dangerous indoor locations. But, for the most part, those who use that argument have been long-time opponents of the law. But when those same groups are promoting legalization or decriminalization of prostitution, they argue that indoor prostitution is safer for women. You cannot have it both ways. It's either more dangerous, or its safer. But they use it in both ways.
« And of course, their aim in the first instance is to discredit laws penalizing the buyers. I think this argument has been, also, very popular. Penalizing the buyers forces women in prostitution to take bigger risks. That goes something like this: they say that women on the street used to be able to assess their buyers when they had more time before they had to jump into a car, to see if there was potential danger in the car before agreeing to the transaction. But I really love Trisha Baptie's response to that – Canadian journalist and survivor of prostitution, who many of you know – she says, and I'm quoting her here, “I had five minutes, I had two minutes, I had ten minutes, it didn't matter. Its the luck of the draw. There was no real way for us to know who was going to be a good date and who was going to be a bad date. »
« And, I think what people don't know is that the potential for women in the legal brothels, of the Netherlands, of Germany, of Australia and the other legalized countries, the potential to be abused and harmed is much more likely than for prostituted women in countries where there are laws against buying women for sexual activities. This is one reason why, for example, pro-sex work groups in the legalizing countries are now writing self-help manuals, which teach women, in the legal brothels, how to fend off violent overtures from buyers, how to use specialized equipment against the buyers, how to never use a pillow on the bed unless you want to get smothered. How to keep a knife under the bed for safety's sake. Read them. They're on the internet. Self-help manuals. They resemble, as a friend of mine says, crisis management in hostage situations. Manuals that resemble crisis management in hostage situations. And so, I mean, you can't take the risk out of prostitution, and buyers are a major part of that risk. The manuals are a backhanded testimony to the real risk that women – whether they're in countries that tolerate prostitution or whether they're in countries that allegedly say prostitution is safer for women, it's not.
« One-third of the window brothels in the Netherlands had to be closed because organized crime took over those brothels. I'm talking about the legal brothels, never mind the illegal brothels. And in Australia, the situation of legalized prostitution led to a dramatic increase in illegal prostitution. So that now, in the state of Victoria, there are three times as many legal brothels as there are illegal brothels. So, so much for the argument that legalized prostitution protects women. The major tolerant zones – initially under the system in the Netherlands, the Netherlands set up tolerant zones, we call them sacrifice zones, in the major cities, like Amsterdam, and Rotterdam, and Eindhoven Those zones all had to be closed, almost as soon as they were opened, within a period of several years. These were zones that were policed. These were zones in which the customers came into these garage-like apparatuses -sex zones, they driver their cars into these places, and the women service the men in the cars and the police meanwhile are going round and round the zone, but yet the zones were taken over by organized crime. And that was the reason they were closed, and the reason they were closed also was because many of the women were abused in the cars, right under the eyes of the police. So, the potential for women, in many of these areas, and especially in the legal brothels, is very very great, the potential for women to be harmed.
« Then there is the argument that the women in prostitution don't want the buyers penalized. Now, the argument that women in prostitution don't want the buyers penalized depends upon, well, which group of women in prostitution you ask. Those who, I would say, define themselves as sex workers, or those who define themselves as survivors. And I think we have to do a lot more talking about the fact that two conflicting voices speak for women in prostitution, and both claim the authority of experience. One voice – survivors – tells us that prostitution is a violation of women's human rights, and a form of violence against women. It maintains that defending the rights of women in prostitution requires prosecuting perpetrators, including buyers, and also giving assistance to victims. And that doesn't mean just providing women with safe sex alternatives, it means providing women with life alternatives. And the second voice, sex workers and their allies, is often louder, it makes prostitution look sexy, it frequently commands more media presence, and it seems to enjoy at least more financial support. Those groups are in the United States are getting much more financial support than abolitionist organizations. So, just as an example of this, for many years, in the United States, there was a group called COYOTE, which you've probably heard of, and COYOTE was the most influential group that claimed to speak for women in prostitution. Now, COYOTE was entirely a public relations group. It did not provide services, it provided not even any kind of tea or coffee or vans on the street, nothing. Instead, it made prostitution look sexy, and it was always attractive to media. And for years, they were the voice of women in prostitution. COYOTE lobbied for the repeal of laws against pimping, they lobbied on behalf of the pornography industry, they went to court on behalf of the pornographers. But they saw themselves basically as the public defenders for normalizing prostitution. When we did some research about COYOTE, we found they were not founded by women who had ever been in prostitution, but they claimed to be. And ultimately they were put on the spot and they had to acknowledge that. So I think, what we have got to begin to do, and I say we, I mean allies and organizations like my own, that work on these issues, and all of us in general, we've really got to be able to really amplify the voices of survivors, because they are the voice of experience, and they are the women who know what they are talking about. But they don't make prostitution look sexy, and they are not attractive to the media.
“We have tried to do some of that, many years ago we organized a conference of former women in prostitution at the European Parliament, and some of you may have seen this document, it's on my organization's web site, it's called a manifesto of survivors of prostitution. It's built on a similar statement that was originally written in the Philippines, that was authored by 75 women in prostitution. And basically that manifesto proclaimed that prostitution is not sex work, trafficking is not migration for sex work, it called on governments to stop legalizing and decriminalizing the sex industry, and giving pimps and buyers legal permission to abuse the women in prostitution, and since then there have been many blogs, web sites, I know in Canada, a group of survivors testified in the Bedford decision, and that was really great, along with other survivor groups and other groups in Canada, but I think that this is really something we really have to give attention to, because the pervasion of quote-unquote self-identified sex workers, who not only ident—there's a lot of women who use that terminology, and this is not what I'm faulting. I'm faulting, really, women who shill for the sex industry. And this is happening a lot. And I think we have to really begin to talk about this very seriously. And one of the ways we can do this is to really amplify the voices of survivors, in forums like this.
" A final argument I'll talk about is that penalizing the demand harms the buyers' wives, their children and partners. Especially when its made public that they've been arrested or charged. So in other words, don't penalize the buyers because their families might be hurt. Well, one might ask the question, how does protecting the buyers from exposure in fact protect wives and partners? I mean, common sense dictates that women have the right to know what their male sexual partners are doing, including the knowledge of possible exposure to sexually transmitted disease. So, I think the arguments against penalizing the demand really do not hold up, and its really a paradox that any measure to restrict the men provokes yet one more argument from the pro-sex work lobby, that any penalties levelled at men harm women.
‘I just want to say a few things about the South Korean model, because I think in this area of legislation, we always look to Western models for our examples. And I think a lot of you may have heard about the Nordic model but you may not have heard about the South Korean Model. Basically, the Republic of South Korea in the year 2004 passed a zero tolerance law, that's what it was called, targeting, among other things, the demand for prostitution. And included in that legislation were added resources to assist the women in prostitution. When I met with service organizations in Korea that provided this assistance to women, they told me that the most gratifying part of the law was the 56% decrease of women in prostitution that was reported several years after the law was passed. That was from a government study, that was the ministry of gender equality that conducted that study in Korea. So a 56% decrease in women in prostitution, and that the number of sex districts had decreased also, by about 40%. So what led to the decrease in women in prostitution? The assistance package, that was really, very much funded by the government, which provided counselling, job retraining, medical treatment, a monthly stipend, and legal support. And to qualify for that, women had to demonstrate in some way, through the assistance organizations, who certified this, that they had been harmed or that they suffered from addictions or other disabilities or were underage. Thousands of women took advantage of that provision and subsequently exited prostitution. However, the decrease was also due to the fact that the law was enforced against the buying of sexual activities. Prostitution users in South Korea faced jail time of up to one year, or fines of up to 3 million wan, which in Canadian dollars is about 2800 dollars. In 2006, a survey of the Korean Ministry of gender equality also interviewed men who said they were prostitution users and evidently reported that they had stopped using because of the enactment of the law. But more important than that, what the Korean women's groups also told me was that, and I am quoting here, survivors of prostitution say it is like a miracle that they can escape prostitution through the protective system of the law. The experience of they who always believed they live outside the law are subject to the protection of the law, and that the brokers who seemed to live above the law can be punished, truly empowers the women. So they were hearing from the women, basically, that that law was empowering to them, and that the men who abused them can finally be made accountable for it.
‘I will finish by saying that some of you know that the governments of both France and Ireland, after extensive legislative reviews, have submitted legislation against the buyers. And next week, the National Assembly in France will vote on an abolitionist bill that prohibits the purchase of the sexual act, puts an end to the criminalization of those prostituted – the Sarkozy law, which criminalized passive solicitation, implements exit strategies with a special budget allocation and the establishment of local mechanisms, gives access to compensation for victims of prostitution and trafficking, and puts into effect national awareness campaigns and prevention policies. The bill has been submitted by the left – they can't say that this is a religious, conservative, moralistic bill – by the socialist and communist groups in the national assembly – with most of the major political parties being in agreement. So we are hoping that that law will be passed, and that that will take really the laws against buying in Europe that are now sequestered in the Scandinavian countries, out of Scandinavia and onto the continent.
‘Now, I'm not saying that laws against penalizing buyers are perfect, and I am not saying law is the only answer. But law is certainly much more than law, it's an indication of what a country thinks about what happens to women. Its an indication of the fact that in this land, women will not be bought and sold. And it certainly has an immense normative function. And I think that what it does is it demonstrates that prostitution is not inevitable, and it makes the users legally accountable. These laws are very modest. They are not felony laws, by any means. In most countries, they're not even misdemeanours. They are very modest, but they do indicate, that in this country, the buying of women and children will not be tolerated. So thank you.’
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