QUÉBEC, le 20 déc. 2013 - Le Conseil du statut de la femme trouve très inquiétante la décision de la Cour suprême du Canada qui décriminalise trois articles du Code criminel au cœur de la prostitution : la tenue d'une maison de débauche, le fait de vivre des fruits de la prostitution d'autrui et la communication à des fins de prostitution. Même si le Conseil est soulagé que les femmes prostituées soient décriminalisées par cette décision, celle-ci banalise l'exploitation dont est victime la très grande majorité d'entre elles. « Nous sommes préoccupées des conséquences possibles de ce jugement qui facilitera la vie des clients et des proxénètes et qui aura certainement un effet sur l'augmentation du nombre de prostituées et sur la traite humaine », a soutenu la présidente du Conseil du statut de la femme, Mme Julie Miville-Dechêne.
Puisque le gouvernement a un an pour trouver une solution à l'encadrement de la prostitution, le Conseil estime qu'il s'agit là d'une opportunité pour débattre de cette problématique sociale et pour réformer la loi. Selon l'organisme, le Canada devrait s'inspirer de pays comme la Suède, et tout récemment la France, qui ont choisi de pénaliser les clients, mais de décriminaliser les femmes prostituées, considérées comme des victimes. Dans la foulée de ce jugement, le Conseil incite le gouvernement du Québec à faire pression sur son vis-à-vis fédéral pour que l'achat d'actes sexuels soit criminalisé et pour que les femmes soient mieux protégées contre cette exploitation sexuelle inacceptable dans une société qui prône l'égalité des sexes. « Ce qu'il faut, ce sont de véritables programmes sociaux pour aider les femmes qui le veulent à sortir de la prostitution », ajoute la présidente. D'ailleurs, dans son plan d'action pour l'égalité entre les femmes et les hommes, le gouvernement s'est engagé à sensibiliser la population pour prévenir l'exploitation sexuelle et venir en aide aux femmes qui veulent quitter le milieu de la prostitution.
La position du Conseil du statut de la femme
Dans un avis publié en mai 2012, le Conseil recommande de pénaliser les clients et les proxénètes et de décriminaliser les personnes prostituées.
Au plan social, le Conseil réclame des services spécialisés pour aider véritablement les personnes prostituées et les victimes de la traite qui le veulent, à quitter ce milieu. D'ailleurs, une étude récente publiée par la CLES (Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle) révèle que 81 % des femmes encore actives dans la prostitution ont affirmé souhaiter en sortir.
Rappelons que dans la grande majorité des cas (80 %), les femmes ont commencé à se prostituer vers l'âge de 14 et 15 ans. Selon les recherches, quatre prostituées sur cinq ont des antécédents de violences physiques et psychologiques, notamment reliées à l'inceste, la pédophilie et le viol. Ici même, au Canada, leur taux de mortalité est 40 fois supérieur à la moyenne et plus de 60 % d'entre elles souffrent de stress post-traumatique.
Devant de telles circonstances, il est illusoire de penser que l'entrée dans la prostitution résulte généralement d'un choix libre et éclairé. Même si le Conseil reconnaît que certaines femmes peuvent tirer profit de ce commerce lucratif, il s'agit d'une minorité. Rappelons que même l'avocat des trois requérantes à l'origine de la cause Bedford a admis parler au nom de seulement 5 à 20 % des femmes prostituées.
Rappel des faits
La cause Bedford, portée devant les tribunaux par trois femmes issues de l'industrie du sexe, a d'abord été entendue à la Cour supérieure de l'Ontario en 2009. Le tribunal ontarien a invalidé les articles du Code criminel interdisant la tenue d'une maison de débauche, le fait de vivre de la prostitution d'autrui et la communication à des fins de sollicitation. Selon la Cour supérieure, ces trois articles contreviennent au droit à la liberté et à la sécurité des prostituées, droit reconnu dans la Charte canadienne des droits et libertés. En 2012, la Cour d'appel de l'Ontario a essentiellement confirmé ce jugement en statuant que deux des trois articles encadrant la pratique de la prostitution étaient inconstitutionnels. La Cour suprême a accueilli la demande d'appel du Procureur général du Canada et de celui de l'Ontario et les audiences se sont ouvertes en juin 2013 pour se solder par la décision rendue aujourd'hui, qui est finale et sans appel. La Cour suprême donne un an au gouvernement pour trouver une solution à l'encadrement de la prostitution.
Le Conseil du statut de la femme a pour mission de conseiller le gouvernement et d'informer la population sur les questions d'égalité entre les femmes et les hommes. Pour plus d'information, rendez-vous au www.placealegalite.gouv.qc.ca.
SOURCE Conseil du statut de la femme
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