Alors qu’une vague de manifestations débute au Québec, et est accueillie par une réponse policière organisée, le gouvernement péquiste poursuit son agenda nationaliste conservateur.
Les militants communautaires montréalais font appel à une variété de tactiques afin de résister au règlement municipal P6, nouvelle régulation de choix des forces policières.
Malgré l’inspiration que créent ces actes de résistance, des divisions existent avant même que les manifestations ne commencent. Les militants de tout acabit questionnent le choix de certains organisateurs de se conformer au P6. Devant la probabilité que ces divisions se reproduisent, l’établissement d’une stratégie militante qui reconnaisse cette réalité est nécessaire.
Une chose est sure : cette lutte ne sera pas gagnée dans les parlements ni dans les hôtels de ville. Les écrits d’Audre Lorde sont ici à-propos: « Les outils du maître ne serviront jamais à démolir sa maison. »
Ces luttes seront menées, et gagnées, dans nos lieux de travail, dans les rues, et surtout, aux lignes de combat.
Contester le règlement P6 à Montréal
P6 est un règlement municipal montréalais amendé lors de la grève étudiante de 2012 au Québec exigeant que les organisateurs soumettent les itinéraires à la police, interdisant le port du masque lors de manifestations et augmentant significativement les constats d’infractions à 637$.
Il s’agit d’un règlement municipal; recevoir un constat d’infraction est l’équivalent de recevoir une contravention de stationnement salée. Ce n’est pas une offense criminelle.
L’effet le plus corrosif de P6 se joue avant même qu’une action débute, à l’intérieur même de nos mouvements. Il y a eu plus d’un cas de division publique entre des organisateurs qui ont soumis l’itinéraire à la police et des militants dénonçant le fait de se conformer au P6.
Puisqu’il est probable que certains groupes choisissent de se conformer aux exigences du P6, des ruptures entre organisations et militants risquent de se produire dans le futur. Cette réalité mérite qu’on s’y attarde.
Katie Nelson est anarchiste et une amie qui débute une cause judiciaire contre la police montréalaise pour harcèlement.
« Nous devons résister ensemble contre le règlement P6 si nous voulons arriver un jour à résister contre l’état, » a-t-elle écrit récemment dans un article. Ces paroles doivent être entendues.
Une série de stratégies et de tactiques déjà employées contre P6 sont présentées ci-bas.
Comprendre les bases de la répression policière est aussi important que combattre leurs manifestations légales et physiques.
Les origines politiques du règlement P6
Chaque crise du capitalisme a vu une vague de révolte et souvent suivie de répression violente.
Les révisions apportée au règlement P6 sont la réponse de la ville de Montréal face à l’agitation grandissante suivant la crise du capitalisme de 2007- la pire crise depuis la Grande Dépression.
Les révisions au règlement P6 sont une tentative de la part des partis politiques au pouvoir à Montréal de contraindre les mouvements militants à se conformer à leur volonté, et ils ne servent que leurs intérêts.
Les origines du P6, toutefois, remontent plus loin que la dernière crise du capital.
Jaggi Singh est un militant et anarchiste montréalais de longue date, et il situe l’émergence de règlement municipaux comme P6 aux luttes populaires soutenues de la fin des années 1990 et du début des années 2000.
Des milliers de personnes sont alors arrêtées dans les manifestations contre le G20 à Montréal, au Sommet des Amériques à Québec et dans des actions similaires.
Les autorités se sont rendues compte, sans surprise, que porter des accusations criminelles contre des milliers de personnes accapare une partie significative de leurs ressources. Les décisions judiciaires acquittaient souvent les militants.
« C’est à grâce à ces victoires, et parce que c’est très difficile pour la police de prouver ces accusations dans un tribunal, qu’ils ont commencés à donner plus de contraventions, et c’est maintenant leur façon de procéder privilégiée, » dit Jaggi.
Le contexte global de la répression policière
Le règlement P6 s’insère également dans un casse-tête de répression policière et étatique plus large. De nouveaux véhicules policiers blindés se promènent maintenant dans les rues du Québec, et les tactiques de la police sont plus ouvertement violentes et répressives.
L’état canadien a aussi introduit le projet de loi C-309, qui pourrait signifier que le fait de porter un masque puisse mener à un maximum de 10 ans en prison. Les infrastructures de surveillance sont en croissance au niveau global.
Des militants en Grande-Bretagne mènent présentement une campagne contre l’introduction de canons à eau dans l’arsenal policier. Le complexe de l’industrie carcéral est en pleine expansion en Amérique du Nord et dans certaines parties de l’Europe.
Les communautés autochtones essuient le plus fort de la violence répressive policière alors que les intérêts étatiques et corporatifs imposent de force des projets de « fracking », miniers et d’oléoducs sur des terres autochtones, dans le but de raviver le cœur toxique du capital.
Ceci vient s’ajouter à de la répression quotidienne et systémique, continuant l’histoire de colonialisme et de racisme.
Malgré les variations régionales, il y a un thème commun dans ce recours à la violence étatique : toutes ces mesures visent à réprimer les révoltes populaires qui émergent depuis la crise global du capital et veulent réaffirmer par la force le pouvoir de l’état-capital.
La police et les forces militaires sont les fantassins du capital et du pouvoir étatique. Considérant que les lois qu’ils appliquent sont élaborées par la classe dominante, il n’est pas surprenant qu’elles les avantagent. La désobéissance civile y est une réponse logique.
Il est également important de noter que le niveau de coercition étatique et militaire utilisé en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne est faible en comparaison à ce qui se passe dans le Sud ou l’Est de l’Europe, ou à ses manifestations plus meurtrières en Afrique Nord ou dans le Moyen Orient.
Les crises globales ne sont pas toujours à caractère anticapitalistes ou libératrices. L’extrême droite et le fascisme sont en montées dans certaines parties de l’Europe.
Stratégies pour lutter contre P6
La plupart de ces stratégies sont déjà utilisées. Des questions sont posées dans l’espoir de provoquer des discussions critiques.
Fred Burril offre aussi des stratégies utiles pour résister au P6, en commençant par la « non collaboration totale et complète ».
Dans la rue
L’opposition militante au règlement P6 semble être l’avenue de résistance la plus importante, par l’organisation d’actions qui défient le ouvertement.
Une préoccupation importante dans ce cas-ci est le cas des personnes sans papiers, des travailleurs précaires et des personnes vivant dans la pauvreté, qui risquent de recevoir des amendes pour leur participation dans des actions qui défie P6.
Comment cela peut-il être résolu? Comment pouvons nous soutenir des groupes profilés et ciblés par la police lorsqu’ils reçoivent des infractions au P6 ?
Ateliers sur la lutte contre P6
Il serait utile d’organiser d’un atelier plus radical que le panel de discussion sur le règlement P6 organisé en 2013 par le Concordia Student Union et QPIRG-Concordia, afin de cibler des stratégies pour contrer le P6.
Puisqu’il est inévitable que des actions se conformant au P6 soient organisées, et qu’elles causent des divisions, un atelier radical sur des stratégies et réponses militantes pourrait être utile.
Quel genre de réponse militante est nécessaire lorsqu’une organisation se conforme au règlement P6 ?
Communiquer les organisateurs de la manifestation
Communiquer avec les organisateurs d’une manifestation qui choisissent de se conformer au règlement peut représenter une solution à court terme.
Si communiquer avec les organisateurs peut suffire dans certains cas, les syndicats et organisations plus grandes mériteront peut-être une dénonciation collective soutenue par divers groupes militants et communautaires, nommant les raisons contre le respect du P6.
Cette déclaration pourrait également offrir les détails pour un regroupement refusant de se conformer au P6.
Dénoncer le suivi de P6 sans décourager l’organisation militante demeure une question délicate. Comment réagir si, par exemple, une communauté racisée organise une action contre la « Charte des valeurs »?
La déclaration contre le P6 signée par près de 90 groupes note que « le SPVM en particulier, qui abuse impunément de son autorité, ne mérite aucune collaboration de notre part. Au contraire, nous devons nous responsabiliser les unEs vis-à-vis les autres, et vis-à-vis les mouvements sociaux auxquels nous appartenons.»
Recours légaux et constitutionnels
La réception d’un constat d’infraction sous P6 peut être contesté, et cela force la police à se présenter devant un juge pour prouver le bien-fondé de leur décision.
Des recours constitutionnels peuvent être menés contre certains, voire l’ensemble, des aspect du P6, comme l’a démontré Jaggi dans un récent recours légal (voir ICI).
« Les gens ne conteste pas simplement les contraventions. Ils disent aussi : ‘Vous avez violé mes droits’, » dit Jaggi. « Vous ne pouvez pas me menotter et prendre ma photo quand vous me donner une contravention. »
Fred note également qu’un recours constitutionnel peut être soutenu ou déposé à l’aide de l’article 500.1 du Code de la sécurité routière.
Il existe présentement au moins quatre poursuites judiciaires contre l’utilisation du P6 comme prétexte pour des arrestations de masse.
Subversion créative
Anarchopanda n’est qu’un exemple d’innombrable actions créatives qui combattent le règlement P6 dans une ville reconnu internationalement pour sa créativité.
Fred résume superbement ces stratégies :
« Continuez de prendre la rue. Si vous recevez une contravention, contestez-la. Participez aux poursuites collectives. Et allez peut-être même plus loin. Si vous êtes arrêté dans une manifestation, refusez de vous identifier. Remplissez les cellules, puis les courts. Luttez. À Montréal, c’est notre spécialité, notre histoire, et notre responsabilité.»
Grand, grand merci au Claudyne Chevrier pour la traduction. Merci à Katie Nelson et Jaggi Singh pour les commentaires sur cet article. Les opinions exprimées ici sont les miens. Merci également à Michael Welch, CKUM et le Black Mask radio collective à Winnipeg pour l’utilisation des studios de CKUW. Matthew Brett est un militant communautaire, auteur et assistant d’édition au magazine Canadian Dimension (@mattbrett_1984).
The site for the Montreal local of The Media Co-op has been archived and will no longer be updated. Please visit the main Media Co-op website to learn more about the organization.