"On fabrique, on vend, on se paie", tel était le slogan des ouvriers qui avaient récupéré la gestion de leur usine horlogère en 1973. Une épopée ouvrière qui a marqué la France et le mouvement autogestionnaire. Réalisé en 2007, ce film vient témoigner à partir d’images d’archives et d’interview des principaux acteurs de l’époque. Le réalisateur, Christian Rouaud : "Je me suis dit qu’il serait intéressant de raconter Lip aux jeunes d’aujourd’hui." Souhaitons que le film relance la flamme...
LES LIP, L’IMAGINATION AU POUVOIR
de Christian Rouaud
Documentaire - France - 1h58
Synopsis :
Le film donne à voir et à entendre les hommes et les femmes qui ont mené la grève ouvrière la plus emblématique de l’après 68, celle des usines LIP à Besançon.
Un mouvement de lutte incroyable, qui a duré plusieurs années, mobilisé des foules entières en France et en Europe, multiplié les actions illégales sans céder à la tentation de la violence, porté la démocratie directe et l’imagination à incandescence.
Des récits entrecroisés, des portraits, une histoire collective, pour essayer de comprendre pourquoi cette grève porta l’espoir et les rêves de toute une génération.
C’est possible, les Lip l’ont fait.
Note d'intention du réalisateur :
Ce film est un récit, à plusieurs voix : celles des leaders de la grève des usines Lip à Besançon, qui au début des années 70, a bouleversé la France avec son slogan « C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie ».
Ils se nomment Charles Piaget, Roland Vittot, Raymond Burgy et Jean Raguenès. Ils ont plus de 70 ans aujourd’hui. Trois d’entre eux habitent toujours Besançon. On retrouvera le quatrième au Brésil où il est parti lutter aux côtés des paysans sans terre.
Ils ont mené un mouvement de lutte incroyable qui a duré plusieurs années, a mobilisé des foules entières en France et en Europe, a poussé l’imagination et le souci de démocratie à des niveaux jusque-là jamais atteints, et multiplié les actions illégales sans céder à la tentation de la violence.
Comme les mousquetaires, ils se complètent : Charles, l’épine dorsale, la référence, le leader naturel. Roland le fonceur, l’homme des coups de main et des coups de gueule. Raymond l’organisateur, le clandestin, le banquier. Jean la mouche du coche, l’empêcheur de tourner en rond parfois tenté par la violence, l’indispensable emmerdeur. A leurs côtés, d’autres ouvriers de LIP s’insèrent dans le récit, apportent le regard des militants de l’ombre, et des femmes, qui ont joué un rôle de premier plan dans le conflit.
Ce sont des personnages de cinéma parce que leur visage, leur corps, leurs gestes d’aujourd’hui, les situations qu’ils revivent devant nous, font surgir des images infiniment fortes et chargées d’émoi. C’est de l’action pure, une suite d’évènements imprévisibles dans lesquels ils sont embarqués, parfois à leur corps défendant, et où ils vont se révéler à eux-mêmes et aux autres.
Le temps qu’ils prennent pour le dire, l’espace qu’occupe leur silhouette, leurs mains qui s’agitent pour convaincre, nous embarquent dans la ferveur brouillonne des AG, dans la clandestinité des cachettes de montres, dans l’affrontement physique, dans l’émotion des grands meetings, dans les négociations interminables et les éclairs de génie, dans les enthousiasmes et les trahisons, les colères et les admirations, les exaltations et les déceptions amères.
Raconter LIP c’est aussi raconter une mutation industrielle fondamentale, qui préfigure les évolutions actuelles : La fin des patrons-entrepreneurs, géniaux et fous (comme Fred Lip), et l’irrésistible ascension des actionnaires obsédés de rentabilités immédiates.
En 1974, l’offensive libérale commence, qui se concrétise en France par la victoire de Giscard D’Estaing sur Chaban-Delmas et se traduit, pour LIP, par la condamnation délibérée d’une entreprise parfaitement viable sur le plan industriel, mais qui doit disparaître pour avoir contesté le primat de l’économique sur l’humain, et même sur le politique.
LIP, c’est enfin une tragédie, dans laquelle ces mutations industrielles et ces choix politiques, sur lesquels les travailleurs n’ont aucune prise, ont le visage grimaçant du Destin, qui les accable et contre lequel ils entrent en révolte, certains que la Justice, portée par une lutte collective obstinée, ne peut que triompher.
De nouveaux personnages apparaissent à l’heure du dénouement : les décideurs « assassins », un patron, Claude Neuschwander, qui s’affirme de gauche et qui prend les travailleurs à contre-pied, un « traître » parmi les mousquetaires... Les certitudes volent en éclat.
Si le conflit LIP a tant marqué les mémoires, c’est sans doute parce qu’il a cherché à prolonger le mot d’ordre étudiant de mai 68 qui proposait de "mettre l’imagination au pouvoir" et de joindre l’utopie à l’agréable.
Les acteurs de cette épopée n’étaient pas des héros. Ils ouvraient simplement des brèches dans le possible, ils montraient une voie. Ils inventaient au jour le jour une nouvelle façon de vivre ensemble, radicale, limpide. En même temps que du rêve, ils créaient de l’émotion. A leur insu, évidemment, tout occupés qu’ils étaient à se battre. C’est ce mystère-là que le film voudrait approcher.
Peut-on parler de rêverie politique ? J’aimerais que cette incongruité traverse le film. LIP c’est la poursuite d’un rêve collectif. Une histoire emportée à la fois par un souffle humain et le désir de mettre en acte des idées, après les avoir malaxées ensemble, avec l’évident plaisir d’inventer.
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