Aux lendemains de l'émeute qui a marqué l'ouverture du congrès du Parti libéral du Québec à Victoriaville, on déplore plusieurs blessures sérieuses suite à de violents affrontements entre les protestataires et les forces de la Sûreté du Québec. Les policiers qui ont été blessés dans les événements ont obtenu leur congé de l'hôpital dans les heures qui ont suivi. Deux manifestants ont quant à eux dû être hospitalisés aux soins intensifs : l'un a perdu définitivement l'usage d'un œil et tous deux souffrent de fractures importantes à la tête.
Selon les discours officiels, ce sont quelques casseurs qui ont infiltré la manifestation et qui ont causé du grabuge, forçant l'anti-émeute à intervenir. Reprenant essentiellement le discours de la police, les journalistes rapportent que des projectiles ont été lancés sur les policiers, qu'un policier a reçu des coups de barre de fer, que des méfaits on été commis. Tout cela est rigoureusement factuel, mais le choix et le traitement des faits rapportés est plutôt partiel, sinon partial. Le fait est aussi que la répression policière était, encore une fois, extrêmement violente : un véhicule de police a roulé vivement entre les protestataires, des balles de caoutchouc ont été tirées dans la foule. Selon des témoignages, plusieurs blessures ont été causées dans ces interventions policières musclées.
Sur la base de ces faits (et si ce n'était de l'impunité de fait dont jouit la SQ), on pourrait accuser certains policiers de conduite dangereuse, d'agression armée, de voies de faits graves et de non-assisance à personne en danger. Le gouvernement et les médias se gardent cependant de dénoncer la violence policière dans les mêmes termes que ceux qu'ils emploient pour condamner la violence des manifestantes et des manifestants. La complaisance dont plusieurs journalistes font preuve à l'égard de la police semble dépasser l'impartialité et la neutralité que leur impose la déontologie journalistique. De fait, le vocabulaire utilisé et l'information véhiculée dans les médias de masse sont pratiquement calqués sur le message des autorités publiques, à quelques nuances près suivant les biais éditoriaux des différents médias.
Dans ce contexte, il y a une certaine mauvaise foi à reprocher aux médias alternatifs de manquer d'objectivité, alors que leur ligne éditoriale critique et progressiste est généralement affirmée et assumée. On ne s'attend pas à voir La Presse critiquer trop vertement le gouvernement libéral ou le Journal de Montréal dénoncer publiquement les bavures policière. On s'attend pas non plus à ce que les journaliste engagés au sein de médias indépendants saluent le travail de la SQ. Le rôle des médias communautaires autonomes est de proposer une autre lecture des faits, contrastant avec la ligne éditoriale pro-police ou anti-protestataire, plus ou moins clairement affichée par la plupart des grands médias publics ou privés.
Les nouvelles officielles publiées dans les quotidiens ou diffusées sur les chaînes radio ou de télévision, contribuent à entretenir dans l'opinion publique l'idée que les manifestations violentes sont principalement le fait d'extrémistes qui ne cherchent qu'à confronter les forces policières et à faire du saccage. Or, la réalité est beaucoup plus subtile. Une émeute est le produit d'une escalade de violence à laquelle participe activement la police. Ceci est particulièrement flagrant lorsque celle-ci se met, sans avertissement préalable, à charger les protestataires ou à lancer des explosifs et à tirer des projectiles sans distinction ni discernement dans la foule, au risque de blesser gravement des personnes.
Les manifestations des dernières semaines – pacifiques ou non – expriment le désaccord profond d'une partie de la population face aux politiques du gouvernement. À l'indignation que manifestent les personnes qui n'ont aucune possibilité de prendre part à des décisions ayant des effets sur elles, la société répond par une violence aveugle qui crève les yeux. Les médias peuvent-ils encore le voir et le dire?
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