Alors que la monopolisation du discours abolitionniste s’opère par différent groupes subventionnés, la présence d’anarcha-féministes lors des deux derniers événements dénonçant l’exploitation sexuelle commerciale au Grand Prix du Canada nous donne espoir en la capacité des femmes de rejeter le système légal, politique et économique qui les opprime.
Le 5 juin dernier, des femmes abolitionnistes se sont rassemblées devant les bureaux de l’Institut de recherches et d’études féministes de l’Université du Québec à Montréal qui «par respect de tous ses membres» a souhaité se dissocier complètement de l’événement et désiré que l’événement ait lieu «dans un espace public autre que devant ses bureaux». Nous pouvions lire ces informations sur leur page Facebook la veille du rassemblement alors qu’elles ont prétendues avoir communiqué avec les organisatrices, ce qui, sous toute vraisemblance, n’a pas été fait.
Ces anarcha-féministes préviennent les femmes du danger d’une mobilisation abolitionniste étatisée et concentrée sur une action corporatiste chapeautée par des organisations communautaires prient dans les dédales de la bureaucratie d’une justice qui ne s’adresse pas aux femmes. La mobilisation des forces abolitionnistes perd de son efficacité. Ces anarcha-féministes souhaitent entreprendre des avenues plus radicales. Voici leur communiqué :
Rassemblement féministe contre le système prostitutionnel
Pour nous, survivantes d’exploitation sexuelle/féministes abolitionnistes, l’industrie du sexe subsiste à cause des cadres patriarcaux, capitalistes, racistes, colonialistes, impérialistes, classistes et âgistes. La mondialisation néolibérale accroît, renforce et aggrave les réseaux prostitutionnels. Le système prostitutionnel repose sur l’exploitation sexuelle industrialisée des femmes et des fillettes par les hommes. Explicitement, la prostitution est un viol monnayé à répétition. Selon les recherches de l’Action ontarienne contre la violence envers les femmes, 99% des clients-prostituteurs sont des hommes, tandis que 90% des personnes prostituées sont des femmes et des fillettes.Une forte corrélation existe entre l’exploitation sexuelle des femmes et la tenue des grands événements sportifs. Le Grand Prix du Canada à Montréal ne fait pas exception; il en est plutôt un des cas figure. À croire que cette conjoncture est l’expression type de la construction sociale d’une certaine «virilité masculine» et de l’appropriation de la classe des femmes par celle des hommes à travers l’imbrication des rapports sociaux de sexe, de race et de classe.
Au Canada, le tourisme sexuel se pratique surtout dans les trois grandes métropoles, à savoir Montréal, Toronto et Vancouver. Avec un système prostitutionnel omniprésent et une relative impunité des exploiteurs de femmes, Montréal est un endroit de prédilection pour des milliers de touristes sexuels. (p.15, «Dire les maux : lexique d’une lutte contre l’exploitation sexuelle», CLES.)
Il faut aussi se rappeler que le 13 juin aura lieu les audiences de la Cour Suprême du Canada concernant la prostitution. En octobre 2010, Terri-Jean Bedford, Amy Lebovitch and Valerie Scott ont contesté la législation entourant la prostitution. Elles visent la décriminalisation des articles 210 (l’interdiction de tenir une maison de débauche), 212 (l’interdiction de vivre des fruits de la prostitution) et 213 (l’interdiction de communiquer à des fins de prostitution). Plusieurs anarcha-féministes et allié-e-s dénoncent se spectacle juridique noyauté par le lobby de l’industrie du sexe et le lobby néo-conservateur. Cette monopolisation du système étatique sur une question d’une telle ampleur sociale sert le sensationnalisme médiatique et les intérêts des oppresseurs tout en laissant peu de place aux débats de fond et pratiques d’éducation populaire. Déléguer le jugement de (dé)légimiter un système d’exploitation sexuelle des femmes les plus oppressées entres les mains d’un groupe social privilégié ne cadre pas dans notre perspective de (re)construction d’un rapport de force féministe. Cette mainmise de l’état sur les luttes sociales est toujours problématique: la mobilisation des féministes abolitionnistes devient étatisée et en danger d’intégration (déradicalisation ou libéralisation) et les communautés ne sont pas concrètement impliquées dans un processus de conscientisation, de mobilisation et de prises de décision, puis l’état de dépendance des organismes et des groupes féministes à l’État s’accroît. Nous entreprenons des avenues alternatives et des pratiques plus radicales afin d’abolir la prostitution.
Impunité et arrogance des prostitueurs… les femmes s’organisent!
Nous avons passé à l’action dans le cadre du Grand Prix et des audiences de la Cour Suprême du Canada sur la prostitution en allant là où les festivités patriarcales se déroulent en toute impunité.
Voilà pourquoi NOUS NOUS OPPOSONS AU SYSTÈME PROSTITUTIONNEL. Nous devons réaffirmer l’inaliénabilité des femmes et refuser leur marchandisation.
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