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Exclusif: un détenu explique la grève des prisonniers au Québec : «Notre sort est entre vos mains aussi»

Dans une lettre anonyme, un prisonnier du Centre fédéral de formation de Laval dépeint les conditions de détention qui ont poussé les détenus au Québec et au Canada à se mettre en grêve.

by Un détenu incarcéré au Centre fédéral de formation de Laval

Exclusif: un détenu explique la grève des prisonniers au Québec : «Notre sort est entre vos mains aussi»

En décembre 2011, le premier ministre Stephen Harper et ses collègues conservateurs ont décidé de réformer le service correctionnel du Canada (S.C.C.). Allant à l’encontre de plusieurs experts et organismes, ils ont décidé d’aller de l’avant avec leur réforme du service correctionnel et de faire des coupures draconiennes. Malgré la baisse de criminalité au Canada, le gouvernement conservateur veut des peines plus longues.  Les conséquences à moyen et à long terme de ces mesures détérioreront la qualité de vie actuelle des détenus. Depuis un an et demi les coupures dans le système correctionnel affectent toute la population carcérale canadienne. Voici quelques exemples :

1.     Au Centre fédéral de formation, nous avons observé une hausse du nombre de détenus ainsi que des coupures drastiques chez les psychologues, ce qui a provoqué une hausse des détenus psychotiques dans les pénitenciers et a aussi réduit l’accès aux soins pour la population générale.

Depuis l’augmentation de nombre de détenu de 180 à 450 en mars 2012, le nombre de psychologues est passé de 3 à seulement 4. Le temps d’attente est énorme et seulement les cas extrêmes se font voir. Depuis le remaniement, nous avons observé une hausse des suicides dans le système fédéral. Un signe que cela ne s’améliorera pas: ici, au Centre fédéral de formation, le nombre de détenus est prévu de monter aux alentours de 600 détenus, donc 150 détenus par psychologue. Les familles des détenus sont inquiètes des répercussions que ces mesures auront sur le membre de leur famille en prison; lorsque le détenu réinsère la société, il faut qu’il soit en bonne santé mentale.

2.     Nous avons observé une réduction des portions de nourritures.

Nos portions sont maintenant  le deux tiers de ce qu’elles étaient. Nous ne remplissons même pas les quantités minimales du guide alimentaire canadien. Par exemple, les portions de viande et volailles ont diminué de moitié; ce ne sont plus des poitrines de poulet, ni même des cuisses, ce n’est seulement que la moitié d’une cuisse avec du couscous qui a été servi sur l’heure du midi. En avril 2014, le menu national sera appliqué, ce qui entraînera d’autres coupures. Au deuxième remaniement alimentaire, nous allons manger des portions d’enfants.

3.     Depuis le 1er octobre, la paie des détenus a été coupée de moitié.

Du point de vue salarial, les coupures vont appauvrir les détenu encore plus. Avec un emploi avec l’usine de production de textiles de S.C.C., Corcan-Textile, un détenu pouvait gagner jusqu’à 45$ à chaque deux semaines, ce qui lui permettrait de se mettre de l’argent de côté pour sa sortie de prison ou bien d’envoyer de l’argent à sa famille.

Mais pendant que la paie décroit, les prix pour les produits d’hygiènes, les vêtements, et les livres restent pareils. Bientôt, les détenus seront libérés sans argent dans leur comptes-épargnes. Même ceux qui travaillent ne seront capable de mettre que 4.50$ par deux semaines dans leur comptes-épargnes, ce qui est très peu pour leur sortie de prison. Au-dessus de 60% de la population sortant de la prison est pauvre à l’extérieur des murs. Imaginez un détenu sortant de la prison avec un maigre 200$ et un chèque pour un mois pour le bien-être social. Il doit se trouver un emploi et un logement, et s’il n’y arrive pas, croyez-vous qu’il va décider de vivre dans la rue? Nous croyons qu’il va récidiver avec plus de violence compte tenu de l’accumulation des tensions engendré par des années en prison. Cela fait maintenant plus de 10 ans que nous demandons une augmentation de paie. Nous avons le même salaire depuis 1981 et ils osent nous le couper. C’est encore plus difficile pour un détenu de trouver un emploi puisque les gens nous jugent sur notre passé et non notre présent. Avec la récession en plus, c’est encore plus difficile.

Ce ne sont que trois exemples. D’autres changements comprennent l’abolition de la possibilité de faire un sixième de la peine, ce qui a provoqué une hausse accrue des détenus, créant en même une surpopulation.  Pour accommoder un nombre grimpant de détenus, on place des lits doubles dans des cellules non-conformes, sans échelle, sans barre de sécurité; cela crée plus de friction et de violence. De plus, on voit la construction de nouveaux bâtiments qui coûtent chers à la population Canadienne, dont un de 96 cellules au coût exorbitant de 5 000 000 $, ce qui veut dire environ 500 000$ par cellule.

Ces changements vont engendrer d’énormes problèmes, comme aux États-Unis.  Il y aura probablement une hausse de la violence non seulement dans les pénitenciers fédéraux médiums et maximums, mais aussi dans la société. Les détenus n’auront plus de soins psychologiques, ni d’argent à leur sortie.

Pour résister et répondre à ces coupures salariales, les détenus des pénitenciers Archambault, Drummondville, Cowansville et Donnacona étaient en grève lorsque j’écrivais ces lignes. De plus, les cellules d’isolement d’Archambault sont pleines et les autorités carcérales ont commencés à envoyer des détenus dans les cellules d’isolement du Centre fédéral de formation.

Le respect de M. Harper et de ses conservateurs envers les détenus est quasiment inexistant. Notre sort n’est pas seulement dans les mains des conservateurs, ni dans nos propres mains mais aussi dans les mains de la population. Notre sort est entre vos mains aussi. Dites non à la répression et aux coupures mais oui à la réinsertion sociale.

 

Message anonyme d’un détenu incarcéré au Centre fédéral de formation de Laval.


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