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« Le pouvoir politique ne veut pas reconnaître qu’il y a impunité policière » – Une entrevue avec Nicole Filion

Nicole Filion, directrice de la Ligue des droits et libertés et porte-parole le temps de la conférence de presse du regroupement, a souligné la nécessité de « mettre fin à l’impunité policière ». Qu'en est-il au juste?

by Arij Riahi

« Le pouvoir politique ne veut pas reconnaître qu’il y a impunité policière » – Une entrevue avec Nicole Filion

ARIJ RIAHI* – Une cinquantaine d’organisations ont interpellé directement le gouvernement Marois le 13 novembre dernier pour obtenir une commission d’enquête publique sur les opérations policières durant le conflit étudiant. Nicole Filion, coordonnatrice à la Ligue des droits et libertés et porte-parole le temps de la conférence de presse du regroupement, a souligné la nécessité de « mettre fin à l’impunité policière ».

Policer la police

Pour Nicole Filion, il y a du travail à faire sur deux fronts. « Il y a déjà des demandes qui ont été formulées pour avoir des mécanismes indépendants dans le cadre d’enquêtes criminelles qui sont menées lorsqu’un policier abat une personne ou la blesse » a-t-elle expliqué à Faits et Causes. Les civils enquêteraient sur le travail des policiers, et non pas les policiers.

Ces demandes se sont intensifiées notamment après la mort de Freddy Villanueva, abattu en 2008 lors d’une altercation avec l’agent Jean-Loup Lapointe du Service de police de la ville de Montréal. L’enquête qui a suivi l’incident a été menée par des policiers de la Sûreté du Québec.

Ces enquêtes ne sont menées que dans le cas de mort ou de blessures d’un citoyen. Pour les autres cas, les personnes impliquées doivent s’en remettre à la déontologie policière. L’option est problématique selon Nicole Filion : « La déontologie policière ne vise que le comportement de certains policiers. Sans compter que ce mécanisme comporte d’importantes lacunes » a-t-elle souligné en conférence de presse.

Solution? Créer une nouvelle instance. « Il faudrait qu’une loi soit adoptée pour créer une institution qui ait le pouvoir de mener des enquêtes systémiques sur les interventions policières qui sont menées comme on l’a vu durant le printemps étudiant »

L’Ontario, un modèle?

La province de l’Ontario s’est dotée d’une instance de surveillance des opérations policières en 2009. Le Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP) a pour mandat de surveiller le traitement des plaintes déposées contre des policiers, de mener lui-même des enquêtes et d’examiner des problèmes chroniques dans le travail policier.

Le BDIEP est une instance civile dans la mesure où ni ses employés ni son directeur ne peuvent être des agents de police. Le Bureau doit rendre des comptes au Procureur général de l’Ontario.

Au Québec, la situation pourrait être différente selon Nicole Filion. « Il faudrait faire une réflexion sur la question de savoir à qui devrait s’adresser cette institution. Nous pensons qu’elle devrait rendre des comptes à l’Assemblée nationale plutôt qu’au ministère de la Sécurité publique, qui est le ministère responsable de la police » explique-t-elle à Faits et causes

Manque de volonté politique

En mai 2012, le BDIEP a publié un rapport sur les évènements entourant le Sommet du G20 à Toronto. Plus de 1100 personnes avaient été arrêtées en l’espace de deux jours. Le rapport confirme qu’il y a eu arrestations massives illégales, fouilles arbitraires sans fondement juridique et usage excessif de la force envers des manifestants.

Malgré les larges pouvoirs d’enquête et de surveillance du BDIEP, celui-ci doit se contenter de faire des recommandations. La Loi sur les services policiers ontarienne prévoit qu’il revient aux services de police de mettre en place des mesures en réponse aux recommandations. La même loi prévoit aussi que la police peut choisir de ne rien faire.

« C’est le problème de la motivation politique à vouloir changer la culture policière » affirme Nicole Filion. « C’est le pouvoir politique qui ne veut pas reconnaître qu’il y a impunité policière et que c’est injustifié dans notre société. On ne peut pas accorder à des policiers le pouvoir d’intervenir … sans qu’on ait un mécanisme [de surveillance des agissements policiers] qui soit aussi important »

Lacunes déontologiques

Le mécanisme actuel du traitement des plaintes en déontologie policière souffre d’importantes lacunes selon Nicole Filion. « Les policiers ne sont pas obligés de participer à l’enquête du commissaire en déontologie, alors que tout professionnel qui fait l’objet d’une plainte dans le cadre de l’application de son Code de déontologie doit participer à l’enquête »

En contraste, une personne qui dépose une plainte contre un policier est obligée de se soumettre à un processus de conciliation avec ce même policier. Le but est de s’entendre sur une manière de régler la plainte. Selon la Loi sur la police, l’étape de conciliation est obligatoire pour le plaignant. S’il refuse d’y participer, il court le risque de voir sa plainte rejetée.

*Texte initialement publié sur Faits et causes. Crédit photo Pierre-Luc Daoust.

 


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